La journée d'hier a été consacrée au repos (amplement mérité après notre virée à Huangshan) et nous en avons profité pour passer du temps avec L, que nous n'avions jamais laissé aussi longtemps en d'autres mains que les nôtres (en y réfléchissant, nous avons réalisé que nous ne l'avions encore jamais confié à quiconque plus d'une journée).

Aujourd'hui, en début d'après-midi, nous prenons le train pour Wuxi. Si la cousine de Q y habite, nous ne la verrons pas cette fois : une demie journée de notre présence ne justifie pas à nos yeux qu'elle pose l'une de ses (précieuses) journées de repos, même si elle était prête à le faire.

Wuxi s'est récemment dotée de deux lignes de métro, ce qui nous permet de gagner sans difficulté le temple de 南禅寺 Nan2chan2 si4 (temple zen du Sud) que nous visitons. C'est la première fois que je suis témoin d'une cérémonie religieuse : une cinquantaine de fidèles (que des femmes apparemment) s'est regroupée dans le bâtiment principal et de prosterne à intervalle régulier tout en chantant une mélopée rythmée par le bruit des gongs. Toutes sont habillés de noir.

Pagode
La pagode et ses multiples lanternes
Fenêtre
Détail d'un ornement dissimulant une fenêtre
Dragon-éléphant
Quand on croise un dragon avec un éléphant, je suppose qu'on obtient un animal de ce genre !

En parcourant le quartier autour du temple, nous tombons sur un magasin de belle taille vendant des médicaments traditionnels chinois. Comme Q a attrapé un torticolis au réveil (vraisemblablement un coup de froid) et qu'elle a prévu de voir un médecin, je lui propose de voir s'il y a des consultations possibles. Et c'est le cas.

Magasin médecine traditionnelle
Dans ce magasin, je cite, "les médecins sont bons, les médicaments sont bons, le service est bon" !

À l'étage, un médecin la prend en charge. Une aiguille dans chaque poignet (étonnamment, c'est la première fois qu'elle est soignée par acuponcture), le médecin lui masse le cou, puis y place un emplâtre qu'elle gardera jusqu'à demain. Pour la douleur ? "Un doliprane !"

Rêve chinois
Ceux qui suivent un peu l'actualité politique chinoise ne manqueront de reconnaître sur ces lanternes du quartier autour du temple 中国梦 Zhong1guo2 meng4 "le Rêve Chinois", qui est le mot d'ordre martelé par la propagande à l'occasion du premier quinquennat du Président Xi Jinping.

La consultation acquittée, nous gagnons le centre, où nous flânons. Près de l'ancienne bibliothèque se dresse une statue de 阿炳 A1 Bing3 (1893-1950), un joueur de 二胡 er4hu2 et de pipa très réputé. Ayant appris la maîtrise de ces instruments très jeune (avec un talent déjà apprécié), il est progressivement atteint de cécité, du fait d'une maladie contractée alors qu'une gestion mal avisée des affaires familiale l'avait déjà plongé dans la précarité. Survivant en temps que musicien de rue, il ne connait la célébrité que dans la dernière année de sa vie, lorsque des musicologues chinois l'enregistrent pour la première (et dernière) fois. Reconnu depuis comme l'un des plus grands musiciens chinois du 20e siècle, son œuvre pour erhu la plus connue est 二泉映月 Er4quan2 Ying4yue4, Reflet de la Lune sur la Deuxième Source, celle justement visible en notation chiffrée sur le livre de bronze que j'ai photographié ci-dessous.

Bibliothèque de Wuxi
L'ancienne bibliothèque au centre de Wuxi
Abing
Cette statue est de A Bing, un célèbre joueur de Erhu...
Musique
... dont l'une des œuvres, 二泉映月, est reproduite ici en notation chiffrée

二泉映月 est interprétée par la musicienne 闵惠芬 Min3 Hui4fen1 (1945-2014) dans cette vidéo :

Le Erhu (二胡), est un instrument traditionnel chinois. Il comporte un manche en bois, deux chevilles proéminentes servant à accorder ses deux cordes, elles-même placées verticalement, parallèles au manche. Le bas de l'instrument est composé d'une caisse de résonance ouverte à l'arrière et recouverte à l'avant d'une peau de python (récemment remplacée avec d'excellents résultats par du plastique afin d'éviter la disparition de l'animal). Il se joue avec un archet dont le crin est coincé entre les deux cordes. Adopté par de nombreux musiciens de rue, il connait également du succès en temps qu'instrument de concert et, plus traditionnellement, d'accompagnement pour l'Opéra de Pékin.

À 5h30, nous retrouvons des amis qui nous invitent au restaurant. Le repas aura principalement pour thème la cuisine locale, sans piment et plutôt sucrée (s'approchant de ce fait de la cuisine shanghaienne). Parmi les plats froids, je fais à nouveau honneur aux méduses. Je vois ensuite réunis sur une même table les 太湖三白 Tai4hu2 san1bai2 (les 3 "blancs" du lac Taihu), que j'évoquais lors de notre passage à Wuxi l'année dernière : de petits poissons d'argent (semblables à de la friture), un grand poisson blanc et de petites crevettes blanches.

Le repas achevé, on nous dépose à la gare, où nous devons prendre le train pour Shanghai. Celui-ci est en retard, sans doute du fait de l'orage qui balaie le Jiangsu d'Ouest en Est : Danyang a eu de la grêle et déjà les éclairs nous environnent. Il est impressionnant d'être debout sur le vaste quai de la gare, au milieu des flashs électriques ! L'orage en lui-même n'est pas une surprise : depuis deux jours, il fait particulièrement étouffant, avec plus de 35°C, ce qui est rare en cette saison.

À Shanghai, nous trouvons sans difficulté notre hôtel, situé près de 人民广场 Ren2min2 Guang3chang2, la Place du Peuple, en plein centre de la ville. Pour bien faire, on commence par nous donner une chambre déjà occupée ! Le gars allongé sur son lit a dû faire une drôle de tête en nous voyant ouvrir la porte ! Heureusement qu'il n'était ni dans la douche, ni en pleine action avec sa femme (ni avec l'une des charmantes demoiselles fort court vêtues dont des cartes vantant les charmes sont régulièrement passées sous les portes des chambres) ! Après moult excuses, la réception nous attribue finalement une autre chambre. Le temps de nous installer et l'orage, temporairement distancé par le TGV, s'abat sur la ville...