Deuxième jour à Pékin, consacré au tourisme. Comme ce n'est pas la première fois que nous venons, nous cherchons à découvrir autre chose que les traditionnelles Cité Interdite et Grande Muraille que nous avons déjà visité (mais ne vous méprenez pas : on peut certainement visiter cent fois l'ancien palais impérial et encore y découvrir quelque-chose !). Toutefois, il nous faut auparavant affronter un monde sans Google ni tous les services auxquels nous sommes habitués (comprenez par là : pas de recherche, pas de cartographie, pas de mail, ni même de PlayStore pour installer les applications alternatives...) : c'est là qu'on réalise toute la dépendance que l'on entretient vis-à-vis de ces entreprises omniprésentes chez nous ! Heureusement, notre amis G nous accompagnera toute la journée, et avec ses conseils nous découvrons peu à peu leurs équivalents chinois, dont la liste s'est considérablement étendue et modifiée depuis mon dernier article à ce sujet !

Le projet initial pour ce matin était la visite du 大会堂 da4hui4tang2, le parlement chinois. Nous avons en effet un ami dont la tante y travaille et qui a proposé de nous permettre de visiter ce lieu en général peu fréquenté par le grand public. Las, il y a aujourd'hui une séance de programmée, et cela rend la visite impossible. C'est bien dommage, mais il faudra accepter que ce soit pour une autre fois.

Après discussion, nous nous rendrons à 圆明园 Yuan2ming2yuan2, l'ancien Palais d'Été, dont il ne reste que des ruines depuis sa mise à sac par les troupes franco-britanniques en 1860 lors de la Seconde Guerre de l'Opium. Q hésitait à m'y emmener, mais ma position à ce sujet est "on ne peut plus claire" : si je déplore, condamne et ressent une profonde amertume à l'évocation de cet épisode, je n'en suis pas personnellement responsable. Que des destructions de ce genre aient été commises par des Français, des Japonais ou même des Chinois (qui ne se sont pas privés pour détruire leur propre patrimoine au cours de certains épisodes même récents de leur histoire), j'en retiens la perte irrémédiable de merveilles érigées par l'homme sur l'autel de décisions politiques à la vue courte qui ont vu ignorance et obscurantisme prendre le pas sur la raison.

On notera à titre d'anecdote que la fameuse lettre de Victor Hugo condamnant le sac du Palais d'Été (condamnation justifiée, par ailleurs) n'a pas empêché l'écrivain de se porter acquéreur de certains biens pillés pour décorer sa propre maison à Guernesey...

Le palais (ou les palais, car comme pour la Cité Interdite il s'agissait d'un ensemble de nombreux bâtiments) était comme la plupart des constructions chinoises construit en bois. Tout ayant brûlé, il ne reste qu'un très beau parc où chaque pas butte sur les pierres constituant les fondations des bâtiments précédemment existants. Ironiquement, et en un pied de nez comme seule l'Histoire sait en concocter, les parties les mieux préservées sont celles – en pierre – construites "à l'européenne" par les Empereurs férus d'Occident qui s'étaient attachés les services d'architectes et de paysagistes Européens. Laissées volontairement en l'état, ces ruines témoignent depuis plus d'un siècle et demi de l'humiliation nationale, et contribuent à l'entretien d'un nationalisme chinois omniprésent (les autorités tant impériales, républicaines que communistes ont parfaitement su utiliser à leurs fins cette grossière "erreur"/"horreur" politique de l'Occident, gommant ainsi les critiques qu'elles auraient par ailleurs pu recevoir sur d'autres aspects).

Parc
À première vue, on dirait un beau parc comme il y en existe d'autres...
Ruines des fondations
... jusqu'à ce que l'on remarque les restes des fondations d'anciens bâtiments.

Parmi ces ruines "européennes", le fameux labyrinthe a été récemment reconstruit. On découvre également les vestiges d'une mosquée, l'islam étant la confession de l'une des concubines favorites d'un empereur qui lui avait érigé ce lieu pour qu'elle puisse pratiquer son culte, et la tristement célèbre fontaine originellement ornée de 12 têtes de bronze correspondant aux animaux du zodiac chinois, dont une partie manque encore à l'appel et dont les Chinois ont fait de la restitution une question de principe.

Labyrinthe
Vue depuis le centre du labyrinthe récemment restauré.
Mosquée
Cet édifice était à l'origine une mosquée.
Fontaine
Les vestiges de la "célèbre" fontaine zodiacale.

À midi, nous déjeunons dans un restaurant de Dim Sums (prononciation cantonaise de 小吃 xiao3chi1, qui désigne en mandarin toutes les petites choses à grignoter). Comme l'année dernière à Wuxi, les serveurs portent pour des raisons d'hygiène des sortes de masques qui les font ressembler à des dentistes, et cette fois il me reste des batteries dans mon appareil photo !

Dentiste-restaurateur
Suis-je le seul à me croire chez le dentiste ?

Nous visitons ensuite 地坛 di4tan2, le Temple de la Terre, situé à proximité. S'il est bien moins connu que son comparse 天坛 tian1tan2, le Temple du Ciel, c'est qu'il y a bien moins à voir. Le temple consiste en effet principalement en une vaste esplanade carrée (comme l'est la Terre dans la cosmologie chinoise) sur laquelle se dresse un autel qui servait aux cérémonies sacrificielles.

Temple de la Terre
Vue du Temple de la Terre
Maquette cérémonie 1
Cette maquette donne une idée de l'organisation des cérémonie sacrificielles
Maquette cérémonie 2
Zoom sur l'autel, où l'on voit l'empereur officier
Supports à tablettes 1
Je me suis demandé pendant un moment à quoi pouvaient bien servir ces piédestaux...
Supports à tablettes 2
... avant de comprendre qu'ils servaient à supporter les tablettes portant les noms des dieux honorés lors de la cérémonie.
Vue en enfilade

Le parc environnant est assez petit et vite visité, mais il comporte quelques beaux endroits dédiés à la santé et à la médecine traditionnelle.

À proximité immédiate se trouve 雍和宫 Yong1he2gong1, le plus grand temple dédié au bouddhisme tibétain de Pékin. Bien qu'initialement dédié à un tout autre usage (il s'agissait de la résidence du prince 雍正 Yong1zheng4, qui régna comme empereur de 1722 à 1735, et qui était respectivement le fils et le père des deux "grands" empereurs de la dynastie Qing, Kangxi et Qianlong), il est transformé en lamaserie sous le règne de son propriétaire d'origine, amené à habiter au palais impérial. De fait, derrière une architecture typiquement pékinoise, on trouve une statutaire et du mobilier typique du bouddhisme tibétain.

Pont des Soupirs
Le Pont des Soupirs... de Pékin !
Moine
Les moines prennent volontiers la pose...
Poubelles décorées
Même les poubelles se fondent dans le décor !

Les noms des bâtiments sont écrits dans les 4 scripts principaux en usage dans la Chine de l'époque (d'aujourd'hui aussi, d'ailleurs) que sont le tibétain, le chinois, le mongol et le ouïghour.

Scripts
Les noms des bâtiments dans les différents scripts en usage en Chine

Le hall le plus vaste abrite un bouddha géant, inscrit au Guiness des records : taillé dans un arbre unique, il est haut de 26 m (18 m au-dessus du sol, 8 m enterrés pour maintenir la stabilité du tout) !

Bouddha géant

En sortant, si nous avons le temps de déguster une glace au matcha (délicieuse car pas trop sucrée), il est trop tard pour visiter le Temple de Confucius également situé à proximité (les visites ne semblent plus possibles après 17h). Une stèle sur le bord de la chaussée qui y mène indique que par respect les cavaliers sont priés de mettre pied à terre.

Le quartier est constitué de Hutongs (ruelles pékinoises typiques) réhabilitées à l'occasion des JO de 2008 (évitant ainsi la démolition, comme ce fut le cas dans nombre d'autres quartiers). L'ensemble est très propre, abritant cafés, magasins, fast-food... Rien à voir somme toute avec les ruelles traditionnelles grouillantes de vie (et souvent crasseuses) qu'elles sont sensées représenter. C'est joli, mais un peu faux.

Le restaurant du soir n'est pas bien loin. J'y avais déjà mangé il y a deux ans : le cadre est agréable et la nourriture excellente. Outre G et sa femme W (qui nous a rejoint une fois sa journée de travail achevée), nous y retrouvons DY, qui a étudié à l'École des Mines de Douai en même temps que Q et que j'ai connu en même temps qu'elle. Beau costume et portable qui sonne sans cesse, il est devenu un vrai businessman ! Sa femme n'est pas présente : elle travaille à Shanghai, où elle a réalisé son rêve d'ouvrir une librairie sur le campus de 上海交通大学 (Shanghai Jiaotong University) notre université à tous les trois (il l'a connue là-bas). Quelle belle chose que d'aller au bout de ses rêves ! L'inconvénient, c'est qu'ils ne se voient pas beaucoup, et que DY hésite entre garder son poste à Pékin et démissionner pour en chercher un autre à Shanghai.

Pour la deuxième fois en deux jours, c'est canard laqué et une kyrielle d'autres plats. La bouteille de vin rouge que nous avons amenée a du succès (sauf pour moi, qui me contente d'un véritable jus de kiwi – une carafe ! – sans sucre ajouté, s'il vous plait !).

Employée de restaurant
Décidément, ce n'est pas la panacée côté habillement de travailler dans les restaurants de Pékin !

Nous rentrons vers 21h, toujours avec les taxis "Uber chinois" car L commence à devenir ingérable. L'endormissement n'est pas facile : il fait une chaleur étouffante dans cette chambre, contre le mur de brique de laquelle le soleil a donné sans discontinuer toute la journée...