Cet article fait partie de la série "Retour vers le futur".
Suite aux questions posées dans les commentaires du billet précédent, voici quelques petites précisions sur l'utilisation du chinois avec l'informatique, ainsi que sur la représentation d'idées plus abstraites. Me laissant emporter par mon soucis de vous faire mieux découvrir cette langue, je me laisse aller également à quelques informations supplémentaires. Puissiez-vous me pardonner.
Chinois, informatique et dictionnaires
La question relative à l'informatique est judicieuse. En effet, vu son mode de construction, il est clair que cette langue se révèle au premier abord tout à fait inadaptée pour ce genre de chose. En réalité, des solutions ont été trouvées. il existe plusieurs méthodes (facilement une bonne dizaine).
La plus courante est basée sur le pinyin (donc sur la prononciation). Les chinois tapent la prononciation du caractère qu'ils souhaitent écrire, et le système l'affiche à l'écran. Si vous avez lu le billet précédent, vous me ferez remarquer que j'ai écrit que le nombre de caractères répondant à une certaine prononciation est très important (d'autant plus que l'ordinateur ne prend pas en compte le système des tons, mais la syllabe phonétique seule). Dès lors, comment faire ? Le système est assez bien rodé, et propose la liste des caractères correspondant à cette prononciation, l'utilisateur n'ayant plus qu'à sélectionner dans la liste celui qui l'intéresse. Pour plus de commodité, les caractères sont classés par fréquence d'utilisation. les plus utilisés se retrouvant en tête des suggestions. En ce qui concerne la plupart des méthodes de saisie, cela va même plus loin, car cette fréquence d'utilisation s'adapte en fonction de ce que l'utilisateur tape. Ainsi, après quelques temps d'utilisation, le système en arrive à souvent suggérer le bon caractère. Pour lever les ambiguïtés, comme à l'oral, il est plus souvent intéressant de taper plusieurs caractères. Le dictionnaire couplé à la méthode de saisie trouve alors facilement des mots (et non plus seulement des caractères) à suggérer, et la liste est beaucoup moins longue et souvent plus pertinente.
D'autres méthodes de saisie existent, basées sur différents principes. L'une d'entre elles, le Wubi, repose par exemple sur la reconnaissance des caractères lorsque l'on tape les numéros correspondant aux cinq premiers traits (on dénombre 7 formes de traits de base). D'autres reposent sur l'utilisation de "radicaux". Ce dernier point m'amène à préciser un peu mon propos.
Comment est construit graphiquement un caractère chinois ? Un sinogramme (l'emploi du terme "hiéroglyphe" est proscrit, car même s'il y a certains points communs, les différences entre les caractères chinois et les hiéroglyphes égyptiens sont suffisamment importantes pour justifier une nette distinction) est écrit dans un carré et est usuellement composé d'une ou plusieurs parties, chacune étant souvent un caractère existant déjà seul. En voici quelques exemples : le caractère 好
Certaines de ces parties sont appelées "radicaux" (部首). Il s'agit de parties revenant dans un grand nombre de caractères, et étant très souvent liées à leur sens. Le plus souvent, c'est la première partie du caractère en question (celle de gauche ou du haut). Une classification par partie peut ainsi être à la base de certaines méthodes de saisies. Une fois le radical (ou "clé") trouvé, le système propose la liste des caractères comportant cette clé.
C'est ainsi que l'on retombe par ce système une réponse sur une autre question qui m'a été très souvent posée. Comment retrouver un caractère dans un dictionnaire ? Là encore, les classifications varient selon les dictionnaires. Certains sont classés par prononciation pinyin, d'autres par nombre de traits constituant les caractères, d'autres par radicaux. Les plus couramment utilisés, dont celui que j'utilise, classent leurs caractères par leur prononciation (d'abord par la syllabe, puis par le ton). Dès lors comment faire pour un caractère dont on ne connaît pas la prononciation (ça arrive très souvent lorsque l'on veut lire un texte) ? Et bien, au début de ce dictionnaire, il y en a un deuxième, plus petit, faisant appel aux radicaux. On commence par chercher le radical. Celui-ci se trouve en parcourant une table, dans laquelle les clés sont classées par nombre de traits. Ce radical trouvé nous renvoie à une table dans laquelle se trouvent tous les caractères comportant cette clé, eux-même classés selon le nombre de leurs traits hors radical. Dès lors, on trouve soit la page du dictionnaire correspondante au caractère rechercher, soit sa prononciation (comme c'est le cas pour mon dictionnaire), auquel cas, la recherche dans le vrai dictionnaire peut alors commencer. C'est un peu fastidieux ! on notera cependant que maintenant des technologies de reconnaissance des caractères existent, et qu'avec un PDA, écrire le caractère au stylet suffit bien souvent à le retrouver en quelques secondes.
Représentation des idées abstraites
La conception du chinois à partir d'éléments concrets n'empêche pas d'avoir recours à des éléments beaucoup plus abstraits. En effet, d'abord purement figurative au départ (c'est à dire représentant des objets concrets), la langue a très rapidement élargi son spectre de vocabulaire en faisant appel à une compréhension plus abstraite des associations d'éléments. Ainsi, la tranquilité (安) se retrouve formé du toit et de la femme (mon prof de chinois prétendait que lorsque la femme est à la maison, l'homme est tranquille ! – une simple plaisanterie, selon moi). Le repos (休) est formé d'un homme endormis sous un arbre. Une période de temps (星) est formé par le caractère "étoile", formé lui-même du Soleil et du caractère 生 signifiant "naître". Le caractère (我), signifiant "je", est formé d'un bâton et d'une hallebarde (c'est un peu belliqueux..., vestige des temps anciens, sans doute). Le caractère "penser" (想) est formé d'un arbre (木), d'une œil (目) et du cœur (心). Penser, c'est être comme "un cœur qui regarde caché derrière un arbre", c'est à dire "voir de loin, avec du recul, et avec le cœur".
Le chinois et les lettres
Les Chinois utilisent un clavier américain QUERTY (ce qui m'énerve parfois, car je tape du français avec un clavier de ce type paramétré en tant que clavier français). Ils ont donc depuis l'arrivée des Européens en Chine appris à utiliser ce système de lettres, bien que ne l'ayant pas intégré dans leur langue, qui ne comporte pas d'éléments purement phonétique, mais reste basée sur le sens. Lorsqu'ils utilisent des lettres, les Chinois les prononcent à l'américaine, un peu comme nous ferions avec des mots empruntés à d'autres langues.
Le chinois et les mots étrangers
Le français, on le sait, a importé beaucoup de mots d'autres langues au cours de son histoire (récemment à l'italien au 18e siècle, et à l'anglais encore plus récemment). L'anglais a importé un très grand nombre de mots du français (il suffit de lire de l'anglais un tant soit peu technique pour le remarquer immédiatement). Comment font les Chinois ? En fait, il y a deux cas de figure : soit le mot est traduit au niveau de son sens (c'est le cas de 电影
- S'agissant d'une publication rétrospective, les commentaires auxquels il est fait référence ne sont plus visible sur ce nouveau site, et ce car ils n'étaient pas sauvegardés dans l'archive que j'ai retrouvée de l'ancien site.
- Il est amusant de voir ma référence à la reconnaissance d'écriture sur PDA. À l'époque, l'un de mes collègues chez Air Liquide avait justement ça, et à ce moment-là ce n'était pas encore la folie des smartphones (l'iPhone avait été présenté quelques mois auparavant seulement). Ce que je n'imaginais pas, c'est qu'un jour je travaillerais justement pour cette technologie magique qu'est la reconnaissance d'écriture !
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