Singapour, jour 2

Toute la famille de SH se réveille en même temps que nous. Il est vrai que nous sommes samedi, et que les enfants ont des cours particuliers aujourd'hui et demain, avec maths, anglais, piano, etc... même pour le petit qui a 4 ans ! Les parents de SH ne sont pas trop fans de ce système, mais que reprocher à leur fille lorsque le système scolaire de Singapour est une méritocratie et que tout le monde fait pareil ?

La domestique, levée plus tôt, est allée acheter le petit déjeuner. Il y a des youtiao, des pâtes sautées, et une boisson que je ne connais pas, à base de gelée, pas mauvaise, et la bienvenue pour moi qui n'ai certainement pas assez bu hier.

Aujourd'hui, nos amis nous déposent au métro et nous gagnons Santosa, une île au sud de Singapour transformée en parc d'attraction. Un monorail nous y emmène par dessus un bras de mer. L'ambiance est un peu à la Disneyland, ce dont Q et moi ne raffolons pas trop. Peu importe, au final, car nous sommes venus avec une idée précise : visiter le SEA Aquarium (South East Asia Aquarium), l'un des plus beaux d'Asie.

L'entrée commence en fanfare avec la présentation des voyages de Zhen He (1371-1435), explorateur chinois sous la dynastie des Ming, qui effectua pas moins de sept expéditions, du Vietnam à Sumatra, de Malacca à Zanzibar, en passant par l'Inde du Sud et l'Arabie ! Il y a une réplique en coupe de son navire, avec des girafes qui plaisent beaucoup à L, ainsi qu'un aperçu des costumes d'époque, des épices et autres productions des contrées que le grand amiral a visité avec son armada.

J'offre à Q un petit tatouage au henné qu'elle conservera quelques jours (même si L en "brouille" accidentellement une petite partie).

Viennent ensuite les poissons. Les tunnels aquatiques laisseront un excellent souvenir à L, qui ne veut pas les quitter ! Le ballet des requins l'intéresse au plus haut point. Les dauphins sont un autre temps fort. il faut dire que l'un de ces facétieux mammifères s'amuse à traverser tout son (large) bassin en nageant sur le dos !

Malgré tout, aussi intéressante que puisse être la visite, elle finit par lasser L, qui braille pour être porté...

Comme il est presque midi, nous décidons de manger un morceau. Nous quittons l'île pour retourner dans le grand centre commercial où se trouve le métro. Singapour a quatre grands styles de cuisine (même si on en trouve beaucoup d'autres) : chinoise, indienne, malaise et péranakane (mélange d'une cuisine d'inspiration chinoise avec des épices typiquement malaises). La cuisine chinoise nous est évidemment la plus familière (et nous en avons mangé la veille), celle de Malaisie la moins connue. Nous optons donc pour cette dernière, et jetons notre dévolu sur une chaîne appelée Madam Kwan's, qui nous semble prometteuse.

Nous commandons un Teh Tarik, le thé malais par excellence à Singapour. Il s'agit d'un thé noir au lait concentré, préparé en versant plusieurs fois le mélange d'un récipient à l'autre jusqu'à ce qu'il soit parfaitement homogène, à la bonne température, et recouvert d'une fine couche mousseuse. Le goût est agréable, le sucré du lait concentré se conjuguant à l'amertume du thé, en un combat qu'aucun des deux ne semble en mesure de gagner.

Le "curry laksa" pris par Q est une soupe curry coco plutôt bonne. Pour ma part, j'ai pris leur spécialité, le Nasi Lemak, qui propose du poulet avec une sauce épicée, une spécialité de poisson séché, du chou un peu acide (fermenté ?) avec du riz. C'est plutôt bon, mais centré sur le sucré/fort, ce qui est assez dépaysant pour nous.

Le repas achevé, nous reprenons la direction du Nord de la ville pour visiter le Singapore Botanic Garden et sa magnifique collection d'orchidées. Il y en a des milliers, de toutes formes, de toutes tailles et de toutes couleurs, dans un écrin de végétation luxuriant. Dans une partie du jardin, des variétés nouvelles, issues de savant croisements et ayant souvent nécessité plusieurs années de travail, portent le nom des illustres visiteurs (gouvernants ou têtes couronnées) venus un jour les visiter.

Au détour d'une allée, nous tombons sur une statue représentant deux personnages que j'identifie du premier coup d’œil : Frédéric Chopin et George Sand ! Que font-ils ici, à Singapour ? J'ai pour ma part du mal à imaginer la venue, durant sa courte vie (1810-1849), du virtuose polonais dans cette ville, fondée en 1819 et qui ne devait pas encore ressembler à grand chose ! Il s'agit en réalité d'un cadeau de l'ambassade de Pologne.

Une autre partie du parc est dédiée aux gingembres. Il en existe des centaines de variétés, issues d'Amérique du Sud, d'Afrique ou d'Asie. Naturellement, le plus intéressant est sous terre, aussi ne passons nous pas autant de temps qu'avec les orchidées (c'est en peu comme visiter une exposition de plans de pomme de terre hors période de fleuraison...).

Dans une boutique du jardin aux gingembres, Q achète une boisson mélangeant gingembre et jus de fruit, selon une recette apparemment exclusive. C'est délicieux ! Un peu trop d'ailleurs, car L boit la moitié de la bouteille à lui tout seul et renâcle à nous laisser nous partager le restant !

Nous avons acheté une carte sim locale hier, et celle-ci se révèle précieuse lorsque nos amis nous annoncent un changement de programme : plutôt que de manger chez eux, ils nous attendent au Jumbo, un restaurant de fruits de mer réputé à East Coast. En consultant mon guide, je vois que ce n'est pas une petite invitation : ce lieu ne désemplit pas, et il faut souvent patienter plus d'une heure avant d'obtenir une table.

La spécialité, ce sont les crabes, énormes (jamais je n'ai vu de pinces avec autant de chair à manger dedans), sauce poivre ou piment. Si les deux sont relevées, la première nous plaît plus, car moins sucrée. On s'en met plein les doigts, mais que c'est bon !

Nos amis sont venus avec domestique et enfants (et une tablette pour occuper ces derniers). À la fin du repas (alors que nous n'avons naturellement plus faim), on apporte des pâtes "à la malaise" (马来面) dont leur domestique – indonésienne – semble raffoler.

La nuit est tombée pendant que nous mangeons et nous effectuons une petite promenade en bord de mer. La côte en face est toute illuminée, c'est magnifique... sauf que j'ai la carte en tête, et que je sais qu'il n'y a pas de côte en face, si ce n'est celle de l'Indonésie, de l'autre côté du Détroit de Singapour, à une bonne trentaine de kilomètres, et donc bien plus loin. En fait, ce sont des bateaux (cargos, porte-conteneurs), illuminés et au mouillage, en une masse compacte et continue ! N'oublions pas, en effet que Singapour est, en 2015, le troisième port de marchandise du monde !

Nous rentrons en taxi. En attendant nos amis, venus en voiture et qui roulent (heureusement) plus prudemment, nous patientons à l'extérieur de leur "condo", entre les fontaines et les massifs de verdure. Pour qui y met le prix (faramineux), les logements à Singapour peuvent être très agréables. Comme souvent, tout est question de savoir où se situent les priorités, car se loger est cher, et les charges très élevées dans ce type de lotissement (équipé par exemple d'une piscine et de courts de tennis) peuvent ne pas laisser grand chose pour vivre...