C'est notre dernier jours à Danyang ; nous partons demain pour Shanghai. Cela signifie bien sûr qu'il nous faut boucler nos bagages, mais pas seulement : Q se lance en effet dans une courageuse croisade pour convaincre sa famille de mieux se soigner.
Les Chinois consomment énormément de médicaments, et notamment des antibiotiques d'une façon totalement dénuée de bon sens, bien souvent avec la complicité des professionnels de santé (qui portent alors bien mal leur nom). L'exemple le plus frappant est celui des rhumes : le moindre pet de travers en la matière, et les Chinois ingurgitent force doses d'Amoxicilline, alors même qu'il s'agit là d'un antibiotique et que la plupart des rhumes contractés en hiver sont d'origine virale et donc insensibles à ce type de médicament. Rendez-vous à l'hôpital (le secteur privé de la médecine est très peu développé en Chine) et on vous organisera systématiquement une petite séance de 挂水
Autre exemple encore plus alarmant : celui de la grand-mère de Q. Elle souffre de problèmes cardiaques ? Pourquoi s'embarrasser d'une visite chez le médecin ? Il parait qu'un voisin qui a lui aussi eu des problèmes de cœur a pris un médicament particulier. Rien de plus simple : il n'y a qu'à prendre le même ! Après tout, si ça fait du bien à l'un, pourquoi cela ferait-il de mal à l'autre ?
Dans l'espoir (largement illusoire, il est vrai) de faire évoluer les choses, Q a investi dans un livre intitulé 中国人应该这样用药 (
Comment expliquer une telle attitude vis-à-vis des antibiotiques ? Une raison tient évidemment à l'aspect économique de la chose : les pharmacies, en concurrence féroces les unes avec les autres, ne cherchent pas à dissuader les acheteurs qui demandent un médicament particulier, fus-ce sans ordonnance. Une autre raison que je vois est peut-être d'ordre culturel : dans un pays à la médecine traditionnelle puissamment ancrée dans les usages et qui n'a découvert l'usage à grande échelle de la médecine occidentale il n'y a qu'une trentaine d'année, les antibiotiques et autres produits associés ont rapidement pu être assimilé à des produits miracles de par leur rapidité d'action (l’acuponcture, par exemple, qui entend soigner la source de la maladie plutôt que ses symptômes, peut demander de longs mois pour montrer une amélioration notable). Cette propension à se gaver d'antibiotique au moindre rhume pourrait venir de là.
Ce jour-là, L fait une sieste de 4 heures, ce qui est inespéré, et immédiatement mis à profit pour préparer sacs et babioles à emporter. Avec Q, nous faisons notre ultime virée en ville... à vélo bien sûr ! C'est incroyable de voir comment ce moyen de transport s'est imposé à nous ! Au lieu de sagement suivre les grandes avenues avec le bus, nous coupons par les petites ruelles, où foisonne toute une vie qu'on ne voit pas toujours ailleurs, avec ses mini boutiques et ses maisons ouvertes vers l'extérieur.
Sur le chemin, nous passons devant de petites pièces donnant sur la rue dans lesquels de petits groupes jouent aux cartes (打牌
Nous effectuons quelques achats et Q passe chez le coiffeur. Je découvre avec amusement que les forfaits coiffure proposés dépendent de l'expérience du coiffeur. Vous voulez quelqu'un d'expérimenté et une chance d'être présentable ? Mettez-y le prix ! Autrement, pour un prix modique, un stagiaire vous fera une coupe "créative" (sic) !
En passant devant l'école primaire, on entend une prof s'égosiller dans un micro et compter les temps. Q m'explique qu'il s'agit d'une gymnastique pour les yeux destinée à se détendre que les élèves font à intervalle régulier. Pour moi, c'est une anecdote qui rappelle des souvenirs : je dispose à la maison d'un ancien poster décrivant cette technique, ramené par mon père de Chine en 1978, et que j'ai toujours vu au mur étant petit (et bien incapable d'en déchiffrer le moindre contenu) !
Chez ICBC, il se révèle impossible de supprimer la carte bancaire désormais inutile au profit de celle réalisée pour Hong-Kong, car il s'agit de la carte principale et que sa destruction entrainerait celle de la seconde ! Nous quittons l'agence avec la sensation qu'on s'est encore une fois bien moqué de nous, et dans la bouche un arrière-goût de la "maison qui rend fou", si bien décrite dans Les douze travaux d'Astérix. Ça me rappelle presque l'université, à Shanghai ! La mère de Q, mise au courant de nos déboires, estime qu'il s'agit d'une combine de la banque pour continuer à nous faire payer les frais de la carte.
Le soir, je commence à écrire les cartes postales. C'est une tradition à laquelle je ne déroge pas : j'aime à la fois en recevoir et en envoyer. Cependant, si on trouve des cartes postales en quantité presque partout dans le monde, c'est très difficile à trouver en Chine hors de Shanghai ou Pékin (du moins là où les touristes étrangers se font rares). Ce n'est tout simplement pas dans la culture locale. Heureusement, encore une fois, Taobao est venu à notre secours, et quelques jours après notre commande, nous recevons les premiers lots de cartes. Au boulot !
Commentaires