Nous nous retrouvons à 7h30 pour le petit déjeuner. Pour 10元 par personne, ce n'est assurément pas le grand luxe : deux petits pains à la vapeur (馒头
Histoire de bien se faire voir (et je suppose d'avoir une bonne note sur Internet), le gérant nous mène gracieusement jusqu'à l'entrée du parc de Huangshan dans sa propre voiture. Nous prenons ensuite un bus dédié, qui nous monte via une route étroite et en lacets vers le point du site d'où nous continuerons à pied. La route, bien que dangereuse, a été visiblement récemment rénovée. Les conditions de visite ne devaient pas être aussi facile il y a une vingtaine d'années, lorsque Q est venue avec ses parents.
Huangshan (
Contrairement à d'autres sites de montagne célèbres en Chine dont nombre de pèlerins et de touristes font régulièrement l'ascension (les montagnes sacrées du bouddhisme et du taoïsme, par exemple), Huangshan n'a pas de dimension religieuse particulière.
Les visiteurs s'y rendent traditionnellement pour y admirer le quadruplet 奇松、怪石、云海、温泉
L'honnêteté m'oblige à reconnaître que je ne suis pas certain de la température de la source photographiée ici :p ...
Je m'étais longuement demandé à quoi une randonnée à Huangshan pouvait bien ressembler, et je m'étais imaginé emprunter de longs sentiers caillouteux sillonnant la montagne. En réalité, Huangshan, c'est des escaliers, beaucoup d'escaliers, des kilomètres et des kilomètres d'escaliers sans réelle interruption. Imaginez un monde où chaque couloir, chaque rue, chaque route serait un escalier, et vous aurez une idée de ce qu'est Huangshan ! Heureusement que nous n'avons pas amené L !
Inutile de préciser que cuisses et mollets sont amplement sollicités...
En ce qui concerne la météo du jour, il fait assez brumeux. Cela montre la montagne sous un jour un peu particulier, les sommets semblant par moment un peu fantasmagoriques ! En dépit de quelques gouttes au cours de l'après-midi, il ne fera cependant ni froid ni réellement mauvais, et cette humidité nous permettra, le soir, de voir de magnifiques mers de nuages !
Dès les premiers mètres, nous comprenons que nous ne monterons pas seuls : outre la foule des visiteurs, de nombreux porteurs transportent de lourdes denrées sur leur dos, à l'aide d'une lame de bambou tenant en équilibre sur leurs épaules deux paquets d'un poids identique. Lentement, les muscles tendus par l'effort, ils montent les marches. Nous apprendrons qu'il leur faut près de quatre heures pour atteindre 白鹅岭


Outre la pièce de bambou placée en travers de leurs épaules, les porteurs disposent d'un solide bâton ferré à son extrémité. Celui-ci peut remplir trois rôles distincts, ainsi que nous avons pu le constater : il peut servir de bâton de marche, de support pour dégager l'une des épaules lors des pauses, et de contrepoids (selon le principe du pivot) pour soulager les épaules.
Même si nous allons plus vite qu'eux et les doublons régulièrement, nos pauses plus longues et plus fréquentes compensent leur lenteur et les courts instants de répit qu'ils se permettent, et c'est à peu près en même temps que nous arrivons à destination. Jamais de ma vie je n'ai monté autant d'escaliers... et je ne me doute absolument pas de ce que la journée me réserve encore !

Cette dernière photo nous donne une idée du poids transporté. Si l'on considère qu'il s'agit de bouteilles de 1,5 litres, nous arrivons à 1,5 × 8 × 3 = 36 kg de chaque côté, soit un chargement de 72 kg !
Ces porteurs montent, sur leur dos, toutes les denrées nécessaires au fonctionnement des hôtels du sommet et probablement le ravitaillement des nombreux marchands postés le long du chemin. Ils redescendent également les poubelles de ces établissements. Naturellement, et bien que les porteurs soient certainement sous-payés pour l'effort qu'ils fournissent, les prix pratiqués sont au diapason de cet acheminement difficile : notre hôtel nous coûtera huit fois plus cher que celui de la veille, au pied de la montagne, et comme une seule famille a la bénédiction des autorités pour organiser des nuitées, nulle concurrence ne vient jamais jouer en faveur du pigeon de passage.
Nous décidons justement de gagner notre hôtel pour délester nos sacs à dos de tout ce qui n'est pas indispensable pour continuer la ballade. Le trajet nous amène à passer par le point culminant, d'où la vue est magnifique.

Une fois dans nos chambres, nous avalons un repas frugal avec ce que nous avons apporté (biscuits, pâtes instantanées, etc.) et consultons la carte. Nous souhaitons un parcours relativement aisé, après notre éprouvante montée du matin. Notre décision quant à l'itinéraire arrêtée, c'est le top départ !
Nous empruntons un funiculaire pour une descente vertigineuse à travers une gorge étroite et un décor d'estampes chinoises. C'est fantastique ! Avec un peu d'appréhension tout de même, nous nous voyons perdre beaucoup d'altitude qu'il nous faudra ensuite remonter. Après quelques minutes de descente, nous voilà en bas de la gorge.

Carte en main, nous cherchons notre chemin. Peu sûrs de nous, nous demandons à un ouvrier, qui travaille à l'agrandissement du bâtiment de la station si nous sommes sur la bonne route, et il nous confirme que oui. Cela nous parait un peu bizarre car le chemin descends sans répit, interminable volées de marches après volées de marches. Nous continuons toutefois, persuadés que nous ne tarderons guère à remonter.

C'est une gorge sublime que nous descendons, de plus en plus surpris de ne voir âme qui vive. Les arêtes de pierre, les cascades, la forêt... le cadre est un enchantement. Et nous descendons toujours... Nous devrions toucher au but, et faire demi-tour maintenant pour remonter deux bons kilomètres de marches nous paraît plutôt dommage. Pour autant, je commence à me douter que nous ne sommes pas sur le chemin prévu, mais sur un autre, parallèle.
Qu'importe. Si nous continuons, c'est grisés par la beauté du site, et par ce calme, cette absence d'autres randonneurs, qui contraste avec les escaliers encombrés de notre ascension du matin.
Enfin, nous parvenons à un hameau, et nous avons la confirmation que nous ne sommes pas du tout au bon endroit. Il y a là un poste de polices, quelques ouvriers, au beau milieu des gorges. Nous comprenons que le chemin que nous avons emprunté n'est pas ouvert actuellement aux promeneurs (sans doute à cause d'un risque de chutes de pierres, mais rien en haut ne le laissait présager). Il ne nous reste plus qu'à remonter et regagner l'hôtel par un autre chemin, qui bifurque à partir de ce petit poste.
Alors que nous amorçons notre ascension, un couple en sens inverse nous souhaite bon courage. Nous faisons naturellement de même, car après les kilomètres que nous avons descendu, eux non plus ne sont pas au bout de leur peine.
Malheureusement, le jeune couple n'a pas exagéré. La montée est interminable, épuisante.
Après trois quart d'heure d'effort, nous croisons un policier, seul, assis sur une plateforme. Inquiet, il nous demande où nous allons. Selon lui, nous n'avons pas couvert le sixième de la distance, et la nuit tombe dans tout juste un peu plus de deux heures. Lui vient du poste que nous avons dépassé, et voit bien que nous n'avons pas d'autre choix que de continuer. Il nous demande nos numéros de téléphone, au cas où et nous prie de l'informer lorsque nous serons rentrés à l'hôtel (la 4G couvre tout le massif de Huangshan, bien mieux que ne sont couvertes certaines villes françaises !).
La montée se poursuit donc. Le souffle court, nous devons fréquemment nous arrêter. Les escaliers se succèdent, raides, souvent presque sans rambarde, avec des à-pics d'un côté, voire des deux. Après 1h30 d'efforts, pressés par le temps (nous avons conscience du danger que ce chemin peut représenter dans l'obscurité avec la pauvre petite lampe dont nous disposons), nous parvenons à un lieu appelé 步仙桥

Un peu plus loin, nous croisons deux 阿姨
La douche, à l'hôtel, est un vrai délice, même si, altitude exige, la pression de l'eau n'est pas mirobolante...
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