Le premier acte, entre la maison et l'aéroport Nantes Atlantique, se passe sans accroc. L dort, les valises s'entrechoquent au rythme des accélérations et freinages du tram. Partis à 14h, nous arrivons à 15h30, comme prévu.

À l'enregistrement, on nous explique de manière courtoise mais ferme que si nous avons droit à 23 kg de bagages par adulte et à 10 kg par enfant (soit 56 kg), deux valises de 24 kg ne feront pas l'affaire ! Nous transférons à la hâte 3 kg de chocolat dans le bagage à main (un cadeau un peu générique et donc utile pour les cas imprévus, car les Chinois aiment le bon chocolat qui est dur à trouver là-bas). Le tour est joué, mais ça fait lourd sur l'épaule !

Pour le voyage, des amis nous ont prêté leur Yoyo, une poussette ultra-légère qui se plie sans douleur à la dimension d'un bagage cabine (du moins tant qu'on fait attention à ses doigts). Nous pouvons ainsi la conserver jusqu'à l'avion et c'est tant mieux. En pratique, les compagnies aériennes ont systématiquement refusé que nous la prenions avec nous dans la cabine, sous prétexte que les avions étaient pleins, la considérant plutôt comme un bagage "de rampe", que l'on dépose juste avant d'embarquer et que l'on récupère juste après le vol.

Au contrôle de sécurité, on nous laisse passer avec les petits pots et la bouteille d'Évian de L. Tant mieux : nous pourrons ainsi lui préparer du lait à Amsterdam.

Le deuxième acte est à l'image du premier, sans douleur. Après 1h15 de vol et un petit bonhomme globalement sage, nous débarquons dans la capitale hollandaise, troquant notre soleil et nos 20°C nantais pour 9 pauvres petits degrés et une pluie fine.

Baptême de l'air
C'est le moment du baptême de l'air pour le petit bonhomme !

Nous avons pu constater la diligence et l'amabilité des personnels de l'aéroport Nantes Atlantique et d'Air France, qui ont fait en sorte de nous laisser nous installer les premiers afin que L ne soit pas bousculé, que ce soit dans les navettes ou dans l'avion. C'est d'autant plus appréciable, qu'en contraste ni KLM, ni les compagnies chinoises ne semblent faire grand cas des enfants.

L'aéroport d'Amsterdam ne comporte qu'un seul (long) terminal. C'est une particularité pour un hub de cette taille dont les hollandais sont particulièrement fiers. Cela facilite certes la navigation, mais comme c'est le cas à chacun de nos voyages, il nous faut traverser tout le bâtiment pour gagner la bonne porte. Sur notre carte d'embarquement, il est mentionné que nous devons y être à 19h50. Or, il est déjà 19h30. Tant pis pour le shopping (Q avait l'espoir de trouver un produit cosmétique épuisé dans son magasin nantais favori ; nous pensions avoir tout notre temps avec un vol décollant à 21h30). Nous quittons rapidement la zone Schengen, et ceci d'autant plus facilement que L fait son plus beau sourire aux policiers.

Au contrôle sécurité, nous avons la désagréable surprise de constater que notre Évian ne pourra cette fois pas passer ! Il parait qu'il faut que l'étiquette mentionne "convient à l'alimentation des bébés" pour qu'elle soit acceptée, et ce n'est pas le cas en l'occurrence, même si une image mettant en scène des bébés est clairement visible... Du coup, comble du ridicule pour une eau minérale qui a basé sa communication autour des bébés, nous remplissons le biberon, qui est scellé dans un sac plastique avec l'eau qu'il contient, et buvons rapidement le reste pour pouvoir conserver la bouteille. Ce dernier point et d'autant plus crucial qu'une fois passé le contrôle, il faudra transvaser l'eau à nouveau car L ne boira pas tout le biberon d'un coup. La morale de l'histoire ? Parents voyageurs, achetez les bonnes bouteilles : certaines mentionnent explicitement les bébés, d'autres non, et ce pour une même marque !

Si à Nantes on nous avait fait passer en premier pour installer L, ce n'est pas le cas à Amsterdam : l'embarquement se fait dans le désordre le plus total, alors que d'ordinaire les rangs du fond sont tout de même appelés avant ceux de devant !

Le vol vers Shanghai dure 11h. L dort presque tout le long, grâce au couffin auquel il a droit et qui lui permet de rester allongé. Pour nous, c'est le soulagement, car nous avions beaucoup d'appréhension pour ce trajet. Les enfants plus grands sont obligés de demeurer sur les genoux de leurs parents, et je pense que dans ce cas cela se passe beaucoup moins bien ! Si L est bien sage, la voisine (chinoise) est bavarde comme une pie. Elle rentre à Shanghai avec son mari hollandais et nous soule en faisant étal de sa vie, de leur réussite financière et des mérites de son petit. Il faut dire à sa décharge que son cher et tendre époux était bien trop occupé à jouer au poker sur le système de divertissement pendant tout le vol pour lui adresser la parole.

À l'arrivée, nous passons la frontière et la douane. Les bagages sont lourds ! Nous l'avions presque oublié. Il faut dire qu'on ramène plein de choses, pour L d'abord, pour la famille et les amis ensuite, et tout de même un peu pour nous.

Le quatrième acte se déroule en métro. Il nous faut nous déplacer de l'aéroport international de Pudong (浦东 Pu3dong1) à celui de Hongqiao (虹桥 Hong2qiao2), lequel est également une importante gare ferroviaire dans laquelle nous prendrons le TGV. Nous empruntons la ligne 2 du métro de Shanghai, qui bizarrement comporte une correspondance en un point du parcourt pour... elle même ! C'est l'occasion de pester contre l'incivilité des Shanghaïens, qui sont incapables de laisser les gens descendre avant de monter, et qui poussent avec violence. Si le métro est "direct", au sens où nous n'avons qu'une seule ligne à prendre, je ne me souvenais pas que le trajet durait aussi longtemps : plus deux heures. Au bout d'une demi-heure, L donne de sa voix perçante. La tétine n'est que d'un secours très relatif. Après l'une des plus longues demi-heures de notre existence et sous les regards mi-inquisiteurs mi-exaspérés des autres passagers, il finit par s'endormir. L'heure suivante se passe ainsi dans le calme, même si vers 17h le métro commence à devenir bondé avec la sortie des bureaux.

Parvenu à la gare ferroviaire de l'aéroport de Hongqiao, je nourris le bonhomme pendant que Q fait la queue pour acheter des billets. Les bornes automatiques sont bizarrement toutes en maintenance à cette heure de grande affluence ; si nous ne pouvons de toute façon les utiliser faute pour moi de disposer d'une carte d'identité chinoise, cela a pour fâcheuse conséquence de reporter tout le monde sur les guichets. Des rabatteurs occupés à faire de la pub pour un service quelconque se révèlent très intéressés par L et viennent me demander ce que je lui donne à manger, restent quelque temps à nous observer, avant de se rappeler qu'ils ne sont pas là pour s'amuser, mais pour appâter des pigeons potentiels !

Dans les gares chinoises, les guichets de vente de billets comportent souvent un affichage numérique indiquant leurs horaires d'ouverture. S'ils sont sur le point de fermer, la queue y sera moins longue, mais la probabilité d'obtenir un billet plus faible. La file que Q a choisi voit soudainement son horaire de fermeture passer de 20h à 18h ! Elle joue à la fois chance et de malchance, car si elle est la dernière à pouvoir obtenir son billet, ce ne sera que pour le train de 19h05 (plus lent). L'heure limite est passée de quelques secondes pour celui de 18h30 (plus rapide), et les billets cessent d'être vendus à compter d'une demi-heure avant le départ ! Le reste de la queue derrière elle se mélange en un instant aux autres dans une intense pagaille, sans le moindre égard pour ceux qui attendaient parfois depuis longtemps dans ces dernières. En cinq secondes, toute trace du forfait est effacée. C'est ainsi que ça se passe en Chine : une seconde d'inattention et de précieuses places sont perdues !

Nous profitons du répit dont nous disposons pour avaler à la hâte quelques pâtes dans un fastfood de la gare tandis que L montre des signes d'impatience. Q emprunte le téléphone d'un client du restaurant pour prévenir ses parents de notre heure d'arrivée.

Et c'est parti pour le cinquième et dernier acte ! Le passage des portiques composteurs de tickets pour accéder au quai est mémorable. L hurle si fort que toute (l'immense) salle d'attente de la gare doit l'entendre, le portillon se bloque sur les valises (incroyable qu'il n'ait pas été prévu pour ça !), et une passagère excédée me force manu-militari à repartir en arrière pour débloquer la porte !

Nous avons des places séparées dans le TGV, mais Q s'arrange avec le passager à côté d'elle qu'un sourire de L (enfin un !) achève de convaincre d'échanger avec moi. Durant les deux heures qui suivent, nous nous évertuons à faire patienter le petit bonhomme par tous les artifices qui nous viennent en tête. Il ne comprend pas que ses cris perçants lui attirent l'hostilité des autres passagers de ce Shenzhen-Nankin, qui pour certains ont une petite journée de voyage derrière eux (Bah, et alors ? C'est toujours moins que nous !). Le magazine du train est de quelques secours, et L affiche une très nette préférence pour l'actrice hong-kongaise photoshopée qui fait la couverture de derrière et beaucoup moins pour le Woody Allen "au sortir du lit" qui fait celle de devant. Honnêtement, je ne peux l'en blâmer ! Au final, ce sera Petit Ours Brun qui emportera le plus franc succès, comme quoi Photoshop ne fait pas tout.

Arrivés en gare de Danyang, nous constatons que cette vaste gare construite il y a quelques années seulement n'est pas équipée d'ascenseur, et il nous faut descendre valise après valise les cinq tronçons d'un immense escalier. Nous arrivons ainsi longtemps après les autres passagers au contrôle de sortie ; les parents de Q ont dû un moment s'imaginer que nous avions manqué le train ! Ne pas avoir de portable fonctionnel est décidément devenu un handicap dans nos sociétés qui en sont devenues dépendantes...

Il fait assez froid, dans les 14°C, aussi ne trainons-nous pas trop, mais trouver deux taxis qui acceptent de nous prendre se révèlera assez difficile. Tous les prétextes sont bons pour nous refuser : nous avons trop de bagages, c'est pas assez loin, ce n'est pas la direction qu'ils veulent prendre, ils ne veulent pas mettre le compteur, etc...

Tapis de jeu
"Pas possible, en Chine aussi il y a des jouets !"
Avec mon papi
"Jamais papi ne me rattrapera !"

À la maison, le papa de Q veut immédiatement jouer avec son petit-fils qu'il voit pour la première fois. Les grand-parents ont aménagé un vaste coin de jeu dans une pièce adjacente au salon, mais L, très fatigué, ne joue pas bien longtemps, et il est très difficile de leur faire comprendre que non, ce n'est pas qu'il a faim (il a mangé dans le train), c'est juste qu'il a sommeil. Plus de 25h de voyage, dont 1h30 de tram, deux voyages en avion totalisant 12h15 de vol, 2h de métro, 2h de train et un quart d'heure de taxi, ça fait beaucoup pour un petit bout de sept mois ! Une fois dans son lit, il s'endort en trente secondes, laissant ses grand-parents étonnamment surpris.

Après un rapide repas, nous montons bien vite nous coucher à notre tour. Ça y est, nous sommes de retour en Chine !