Cet article fait partie de la série "Retour vers le futur".

Hier, le campus et la cantine étaient envahis de pingouins bleus à chapeaux rectangulaires... marque de la remise des diplômes de la promotion venue à bout de son master lors du semestre dernier. Ce genre d'accoutrement est assez amusant, de par l'absence de cette tradition dans l'hexagone. Ce qui est en revanche plutôt décevant, c'est que la tradition dont j'ai été témoin n'en est pas réellement une pour la Chine. En effet – et les chapeaux vous ont certainement mis la puce à l'oreille – il s'agit ni plus ni moins que de l'importation des traditions américaines en la matière.

Ceci met en évidence la fascination du "modèle" américain, auquel les universités chinoises tendent à se confondre jusqu'à un mimétisme presque total. Ici, les universités américaines de renom sont considérées comme l'aboutissement ultime de l'art d'enseigner. A côté de cela, un système tel que le notre (déjà excessivement élitiste à mon goût en ce qui concerne prépas et grandes écoles) ne trouve pas beaucoup de crédit. Ainsi que les universités américaines de renommée internationale l'ont fait depuis bien longtemps, les établissements chinois dérivent lentement mais sûrement vers une éducation réservée aux plus fortunés, avec une augmentation significative des frais de scolarité, des universités à l'allure d'entreprise et des machines à publications scientifiques pour justifier les crédits obtenus.

Les Chinois ont de ce fait tendance à oublier que le prétendu modèle américain n'est pas nécessairement flatteur pour les USA eux-même. En effet, outre des coûts prohibitifs qui empêchent nombre d'étudiants doués de les intégrer, il ne semble pas porteur de talents, puisque la quasi-totalité des chercheurs de renoms y travaillant ne sont pas américains (habituellement, le patron du laboratoire l'est, mais les autres sont indiens, chinois ou même français). La plupart des étudiants américains ne bénéficieront de formation dans ces instituts prestigieux et intégreront des "colleges" dont personne ne parle jamais (et dont beaucoup ignorent jusqu'à l'existence).

De fait, disposer d'instituts d'éducation hors de prix, qui ne forment pas la jeunesse du pays auquel ils appartiennent, se fondent sur des considérations hautement sociales (il faut pouvoir emprunter pour étudier) et emploient en masse des chercheurs étrangers (ce qui prouvent qu'ils ne forment même pas les leurs suffisamment bien pour les y employer) ne semble pas un si bon modèle que ça. Peut-être que les Chinois pourraient développer un modèle plus intelligent. Tout le problème vient de la fascination exercée par l'Occident, à la fois admiré, détesté et jalousé, parfois au détriment d'une analyse de ses grandes faiblesses.

Toutefois, pour en revenir sur une note plus optimiste par le biais de l'accoutrement utilisé lors de la remise des diplômes, on notera que les Chinois envisagent de changer cela, en adoptant un vêtement plus conforme aux traditions millénaires de l'Empire du Milieu... Cela marquera-t-il une distance accrue avec le modèle américain ? On est en droit d'en douter. Cependant, ce premier pas, hautement symbolique, pourrait bien signifier que le prélude à un affaiblissement du leadership mondial des USA n'est pas qu'économique...