Cet article fait partie de la série "Retour vers le futur".

Un des stagiaires français d'Air Liquide qui s'apprête à rentrer en France pour effectuer sa dernière année à HEC m'a fait part de son projet de visiter le Tibet avant de partir. Se rendre au Tibet, surtout lorsqu'on est étranger, n'a rien d'évident : il est interdit à tout visiteur de se rendre dans la région de manière autonome. Il faut impérativement faire partie d'un circuit touristique, organisé par une agence agréée par le gouvernement chinois (celui-ci dira ce qu'il voudra, à part empêcher les gens de voir ce qu'ils ne doivent pas voir, je ne vois pas trop d'autres raisons à cette mesure). Pour les étrangers s'ajoutent des contraintes supplémentaires : il faut demander un visa particulier (permet de filtrer les demandes...) et ne pas faire partie d'un circuit organisé pour les Chinois, mais spécialement pour les étrangers. En plus d'un meilleur contrôle des visites, cette dernière mesure (adoptée toute récemment) permet de monter les prix du voyage (pour mon collègue, cela revient à payer 150 euros de plus qu'une tournée identique organisée pour des Chinois) !

Il se pose bien sûr la question de ce qu'il est possible de voir au Tibet. Une grande part de la culture tibétaine a été détruite durant la Révolution Culturelle (dans les années 70), comme ça a été le cas dans le reste de la Chine. La culture tibétaine fait toujours l'objet de restrictions, même si officiellement la liberté de culte est garantie. De nombreux temples ont été fermés, ou transformés en attractions touristiques. Le tibétain est officiellement remplacé par le mandarin dans les écoles, ce qui amène une perte d'identité certaine pour les habitants de la région qui ne sont pas des Hans – l'ethnie majoritaire en Chine.

Lhassa, la capitale, résume bien la situation : les colons Chinois représentent 80 % de sa population totale, ce qui enlève bien sûr beaucoup à l'intérêt touristique du lieu. Ces derniers temps, avec la complicité des autorités locales, la ville est devenu le plus grand bordel de Chine.

Le nombre de morts, selon le gouvernement Tibétain en exil en Inde, serait de 1 200 000 depuis l'invasion chinoise de 1950 (dont 500 000 à 600 000 pendant le "Grand Bond en Avant" des années 60 (tentative manquée de collectivisation des moyens agricoles et de priorité donnée à l'industrie lourde, qui a été la cause d'une grande famine et a fait perdre 10 ans à la Chine par rapport aux autres pays), qui a fait des millions de morts dans toute la Chine). Une estimation plus juste serait certainement un peu plus faible. Les Tibétains en exil seraient un peu plus de 120 000, pour une population totale d'environ 6 000 000 de Tibétains (Chine + étranger).

Pour en savoir plus sur le sujet, je ne peux que recommander de consulter trois types de sources :

  • Le site du gouvernement tibétain en exil, ou ses soutiens (thèses pro-tibétaines), par exemple : http://www.tibet.fr/ ou http://www.tibet-info.org
  • Le site officiel du gouvernement chinois sur la question (thèses officielles) : http://french.peopledaily.com.cn/Tibet/historique.htm
  • L'étude de Philippe Couanon (professeur agrégé d'histoire à l'IUFM Réunion) sur les thèses chinoises confrontées à la "réalité" (thèses à mon sens plus abouties que les deux précédentes sources) : http://amis.univ-reunion.fr/Conference/Complement/175_tibet/

En dépit de tout cela, je pense que si j'ai l'occasion de visiter le Tibet, je ne manquerais pas de le faire. Les paysages doivent être magnifiques. J'espère seulement en avoir l'occasion avant que les objectifs du gouvernement chinois d'y faire s'implanter entre 10 et 20 millions de colons ne se soient réalisés...