Retour à Nankin. C'est le week-end, juste avant le pont du 1er mai, et les trains sont bondés. De ce fait, nous n'avons obtenu des billets que pour un train partant de Danyang à 11h17, pour arriver à la gare Sud de Nankin à midi. C'est handicapant pour ce qui est de notre journée là-bas, mais ça a le mérite de donner du temps pour préparer L et tout le bazar que nous sommes contraints de trimbaler avec lui. C'est d'autant plus confortable que ce petit coquin a eu l'idée de se réveiller à 5h !

Nous prenons le bus pour nous rendre à la gare, et je tiens L sur mes genoux (il y a trop de monde pour que je le laisse dans sa poussette). Comme de coutume, il fait du charme à tous ceux présents autour de lui, touchant mains inconnues et barres métalliques avant de s'empresser de mettre ses doigts dans sa bouche. Q l'en empêche en le grondant en chinois. Ce faisant, l'homme un peu timide ayant touché L en dernier regarde ses doigts, tout penaud. Il me fait presque pitié. Il a les mains propres mais caleuses d'un manuel, et je suis ennuyé à l'idée qu'il ne se sente rabaissé par notre attitude. Je reporte mon attention sur L et constate qu'il s'est endormi. Il ne se réveillera que 40 minutes plus tard, alors que nous montons dans le train.

Nous profitons des 40 minutes sans interruption que dure le voyage pour le nourrir, avec l'idée (utopique) qu'il puisse faire une sieste une fois arrivés.

La Gare du Sud à Nankin n'a que quelques années et fait partie des nombreuses infrastructures bâties avec la ligne à grande vitesse Pékin > Shanghai > Canton. Elle est démesurée avec ses 28 quais et ses immenses halls de granite gris, sombres et déserts (non qu'il n'y ait pas de monde, mais de par leur gigantisme). Des amis avec qui nous allons manger sont venus nous chercher en voiture, mais nous avons du mal à nous retrouver. Peu à peu, portables aidant, nous convergeons vers eux pour découvrir qu'ils n'étaient garés qu'à une dizaine de mètres de là où nous les attendions initialement.

Ce midi, nous allons manger avec des amis d'université de Q, et notamment les filles avec lesquelles elle y a partagé une chambre pendant 4 ans (cette années, 4 d'entre elles étaient disponibles et sont venues avec leurs maris et enfants). Le couple qui nous conduit a un petit de deux mois de moins que L, et durant tout le trajet, les deux enfants se regardent en gazouillant, se touchent les mains et se font de grands sourires. C'est attendrissant.

Le restaurant où nous déjeunons s'est spécialisé dans les fondues chinoises (火锅 huo3guo1). Pour ceux qui ne connaissent pas, il s'agit d'un plat (aussi appelé marmite mongole, en référence à ces cavaliers des steppes qui le préparaient selon la légende dans leurs casques ou boucliers) qui consiste à faire mijoter dans un bouillons quantité de choses (légumes, viandes, poissons, tofu, etc. coupés finement) que chacun pourra manger une fois le degré de cuisson voulu atteint. Ce restaurant, appelé 海底捞火锅 (Hai3di3 lao1 huo3guo1, soit Fondue ramassée au fond de la mer, en référence à la façon de pêcher les ingrédients cuits dans le bouillon), est réputé pour la qualité de son service, qui se veut irréprochable. Et en effet, tout au long du repas, nous serons bluffés par la diligence des employés : ils emmènent par exemple L jouer un petit quart d'heure pour que Q et moi puissions manger tranquilles, fournissent – et nous laissent en cadeau – des jouets pour lui, devancent nos moindre désirs, nous accompagnent jusqu'à la porte des toilettes lorsque nous demandons où elles se trouvent, etc.

La fondue est copieuses, même pour 9 adultes et 4 enfants de 6 mois à deux ans (tous n'en mangeant bien sûr pas). Le pot, placé au centre de la table, est divisé en deux parties, l'une épicée, l'autre non. Les convives qui me connaissent le moins sont surpris de me voir manger dans le bouillon pimenté. Je me garderais toutefois de tout triomphalisme, car je dois avouer qu'à un certain point j'ai dû changer de côté, non parce que j'avais la gorge en feu, mais parce que mes papilles étaient comme devenues insensibles au goût (ce qui était fort dommage). Des ingrédients les plus "exotiques" qu'ils avaient commandés, à savoir intestins de canard, cervelle de porc et estomac de bœuf, je n'ai au final goûté que les premiers.

Le repas achevé (L n'a toujours pas fait sa sieste), nous nous faisons déposer en voiture près de l'agence de China Eastern, où nous prenons enfin le billet pour L (cette fois, nous avons son passeport) et retrouvons nos amis de la veille, à qui nous présentons le petit bonhomme. Nous prenons ensemble le chemin de la Gare du Sud, d'où ils repartirons pour Pékin tandis que nous rentrerons à Danyang. À considérer leur attitude face à L, Q et moi avons dans l'idée que si nous les revoyons l'année prochaine, ils ne seront sans doute plus seulement deux !

De nouveau le gigantisme de la gare nous frappe. Si nous y sommes arrivés plusieurs fois, c'est la toute première fois que nous en partons. À vue de nez, le hall de départ de la gare est si grand que l'on pourrait y caser une quinzaine de gares de Nantes !

Entrée de la gare
L'entrée du hall des départs.
Hall départ
Le hall des départs lui-même.

À notre plus grande surprise, le train est un train couchette dont les compartiments ont été reconvertis en cabines de 6 places assises. Malgré le fait qu'il puisse à nouveau manger, L devient vite difficile à tenir, et c'est avec soulagement que nous arrivons à Danyang. Pour gagner du temps, nous délaissons le bus pour le taxi. Dans les 100 derniers mètres, la cocotte-minute L, dont la pression alimentée par l'absence de sieste avait augmenté toute la journée, explose finalement. Je pense que le chauffeur a été content de nous déposer, car seuls ceux qui connaissent le petit bonhomme savent combien ses aigus sont redoutables !

Avec Q, nous concluons que voyager avec un petit d'à peine huit mois est très éprouvant. Dans les jours qui viennent, nous souhaitons le voir se reposer un maximum avant Hong-Kong, prochain grand défi pour lui (et pour nous !). Au lit à 18h30 pour L, et nous ne tardons guère à l'imiter car à 20h45 tout le monde dort profondément !