Cet article fait partie de la série "Retour vers le futur".

Un élève des Mines de Douai souhaitant intégrer mon université m'a récemment interrogé sur les possibilités offertes par les entreprises en lien avec ce cursus. Ma réponse a été relativement décevante, je pense : il n'y en a pas.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, une formation universitaire en Chine – qui pourtant est suivie par nombre de futurs cadres de l'industrie vu que tout le monde ne finira pas chercheur – n'a absolument rien à voir avec les formations qui sont les nôtres en école d'ingénieur, car l'entreprise n'est même pas mentionnée. Jamais un prof (si, un en fait, mais il était Anglais) n'a mentionné de firme durant ses cours, indiqué comment appliquer une connaissance dans un environnement de travail, parlé des enjeux du marché, financier, liés au management, au travail en équipe ou autre. Les élèves ici arrivent sur le marché du travail sans expérience (pas de stage – sauf s'ils le font par eux-même), pas de formation autre que très théorique et aucune notion sur les présentations, les réunions, le travail en groupe, etc...

Cet aspect peut apparaître d'autant plus surprenant que SJTU est une des meilleures universités de Chine. Qui plus est, elle est à l'origine du fameux "Classement de Shanghai" qui est la nouvelle marotte du gouvernement Sarkozy. Ce classement liste les meilleures universités mondiales, et fait référence dans le monde, y compris sur le marché des entreprises chinoises. Sarkozy, irrité de l'absence d'universités ou d'écoles françaises a donné des directives pour réformer notre système national et faire en sorte de viser le top 20. De mon point de vue, il n'y a pas d'erreur plus grossière. Le classement se base sur le nombre de publications scientifiques et les crédits alloués à la recherche. Autant dire que pour une entreprise, il ne vaut pas un clou car ne parle en rien de la formation à l'entreprise, à l'international, de l'expérience en stage, de la qualité de l'enseignement. Tant mieux d'un côté pour SJTU, car l'entreprise n'y est pas présentée, l'enseignement des langues y est embryonnaire, les stages inexistants et l'enseignement assuré par des chercheurs pour lesquels l'objectif est de publier des articles et non de former leurs élèves (leur implication dans l'enseignement dépend donc de leur soucis personnel quant à la réussite de leurs élèves).

Notre système d'universités et de Grandes Écoles est loin d'être parfait. Mais vouloir le transformer pour imiter ce prétendu "modèle" me paraît très risqué. J'ai pris part aux deux types de systèmes, et je parle de par mon expérience personnelle. En Chine, un élève venant d'une université non chinoise aura facilement un très bon poste dans une entreprise étrangère. Pourquoi ? Parce qu'il sait ce qu'est une entreprise. Les autorités de l'éducation chinoise ne l'ont pas encore compris, et taxent les entreprises étrangères de privilégier les expatriés. Qu'on ne se méprenne pas : les expatriés coûtent plus cher, ne restent pas longtemps, sont plus exigeants sur leurs conditions de travail et leur salaire. S'ils sont privilégiés, c'est avant tout parce qu'ils sont tout de suite opérationnels, et ne nécessitent pas un an de formation pour apprendre à faire des PPTs...

Tout ça pour dire qu'avant de se précipiter sur le Classement de Shanghai, les dirigeants de l'éducation en France devraient d'interroger sur ce qui est le plus important : que les universités publient des articles ou que leurs élèves trouvent du travail à la sortie ? J'attends de voir comment tout cela va évoluer...