Cet article fait partie de la série "Retour vers le futur".
Ce matin, en me rendant à l'endroit où le bus de la compagnie doit venir me chercher, je suis passé comme toutes les fois devant le lycée de 徐家汇. D'ordinaire, c'est plutôt calme à cette heure-là, étant donné qu'il est presque 8h, et que les élèves sont rentrés en cours. De temps à autre, il m'arrive même de les voir rassemblés, parfaitement alignés sur le terrain de sport, pour je ne sais quelle cérémonie mystique (je soupçonne une manifestation patriotique, mais sans pouvoir en être sûr). Pourtant, aujourd'hui, une foule compacte se pressait devant l'entrée de l'établissement. J'ai mis un peu de temps à réaliser ce qui se passait, alors que cela fait trois jours que "tout Shanghai ne parle que de ça" (citation d'une collègue) et que plusieurs personnes m'en ont déjà parlé : c'est la période des fameux examens d'entrée à l'université.
En France, on le sait, nous disposons de notre propre phénomène d'hystérie collective, à savoir le Baccalauréat. Durant ces tendres années de lycée, les professeurs – et parfois les parents – ont brandi la menace d'échouer au Bac comme une arme terrifiante, déclenchant une angoisse profonde chez les élèves, peur qui se traduisait par une consommation en hausse de café, et parfois de drogues plus nocives encore. Toutefois, une fois cet obstacle passé, la prépa commencée, nous nous rendions compte que ce n'était que peu de chose en réalité. Le Bac a plus une dimension symbolique qu'autre chose. Il sanctionne la fin des études secondaires, et s'il est nécessaire de l'avoir obtenu pour pouvoir continuer, les résultats engrangés ne procurent pas d'avantage significatif (les inscriptions dans l'enseignement supérieur se font avant de passer le Bac, de toute façon...).
La situation en Chine est quelque peu différente. En effet, contrairement à la France, l'université n'est pas ouverte à tous, et il faut se battre pour obtenir une place dans celle que l'on souhaite intégrer. Les examens sanctionnent un cursus lycéen beaucoup plus difficile que le notre (se rapprochant de la prépa par bien des aspects). Pour cette étape, le contrôle continu ne joue aucun rôle. Tout se joue sur une seule évaluation. On comprend donc le stress des étudiants, quand on sait qu'il est extrêmement rare de pouvoir retenter sa chance. Les plus doués – et les plus chanceux, car à mon sens une évaluation faisant abstraction du travail effectué les années précédentes fait nécessairement intervenir cette variable, personne n'étant infaillible – auront la possibilité d'intégrer l'université de leur choix. Les autres se retrouveront peut-être dans des provinces plus éloignées des grands centres économiques.
Pour ceux qui connaissent, on reconnaît un peu là les concours de Spe, mis à part qu'en Spe, il est toujours possible de repiquer. Je n'ai jamais trouvé ce système très juste, mais force est de constater qu'il permet quand même d'éviter un certain nombre de discriminations.
Enfin, je terminerai cette parenthèse sur l'éducation en rappelant que ce sont bel et bien les Chinois qui ont inventé les examens, il y a de cela plus de deux mille ans, permettant pour la première fois dans l'histoire d'une civilisation une sélection de la haute administration basée sur les compétences, et non sur la richesse ou la noblesse (soit dit en passant, il fallait tout de même avoir appris à lire et à écrire, ce qui n'était pas donné à tous).
L'autre chose qui m'a frappée, c'est l'attitude des médias d'une part, des Chinois d'autre part, lors des obsèques du numéro 6 du régime, il y a quelques jours. Le décès de ce personnage a donné lieu à une retransmission télévisée et radiodiffusée sur de nombreux canaux. La cérémonie avait été l'occasion pour les membres influents du Parti de se mettre en valeur, et pas un n'avait manqué le rendez-vous. L'aspect le plus étonnant, en dehors de la primauté de cette information sur tout ce qui pouvait se passer par ailleurs durant près de deux jours, c'est justement le défilé de ces personnalités. C'est tout juste si la carrière du disparu était évoquée de temps à autre. Le reste du temps d'antenne était réservé à l'énumération de tous les personnages du régime présents, classés par ordre d'importance, ainsi que sur la présentation des couronnes de fleurs que chacun avait apporté. Les Chinois semblaient en général moins intéressés que les officiels par cette longue liste, sans cesse répétée.
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