Cet article fait partie de la série "Retour vers le futur".

Le départ a lieu à 6h20 de la gare de la Part-Dieu, à Lyon. Direction Paris-Charles de Gaulle. En règle générale, je n'aime pas les adieux, et en dépit de la situation particulière dans laquelle je me trouve, ça ne déroge pas à la règle. Toutefois, étant données les circonstances – il y a des chances pour que je parte pour plus de deux ans – j'aurais apprécié la présence de Lucie et de Léo, qui ont préféré la chaleur de leur oreiller à la température plutôt basse comparée à celle des derniers jours qu'il fait dehors. Enfin, ce sera pour une prochaine fois ;) ! Finalement, les adieux avec Paul se prolongent, vu que le TGV ne veut pas démarrer. Bien que sachant pertinemment que je dispose d'une avance suffisante vis-à-vis de mon enregistrement (prévu à 10h), je souhaite que ce retard ne soit pas trop conséquent. Je veux pouvoir disposer de tout le temps qu'il me faut, afin de ne pas voyager stressé par les horaires. Le train part finalement avec 15 minutes de retard. Il est alors 6h35.

Après un voyage en train sans histoire (c'est court 2 heures quand on a l'habitude des trajets Nantes-Lyon de 4h30 !), j'arrive à Roissy où m'attend Q., venue spécialement de Douai. Le temps de changer de terminal, de trouver le comptoir de Qatar Airways, de peser les bagages (21 kg... oups !) et de récupérer le billet d'avion, et il est déjà 9h30. Pour un passage dans la zone d'embarquement prévu à 10h, ça ne me laisse pas beaucoup de temps avec Q. D'autant plus qu'une fois là-bas, il ne me faut encore attendre jusqu'à l'embarquement, prévu juste avant midi.

Parmi les choses que je comptais réaliser à Roissy, il y avait le change d'une cinquantaine d'euros en yuans. Malheureusement, ce n'est pas une monnaie disponible en France (sauf peut-être directement auprès de la Banque de Chine à Paris). Par conséquent, il va me falloir patienter jusqu'à mon arrivée à Shanghai, et caser cette activité dans l'emploi du temps déjà très chargé précédant mon arrivée à l'hôtel avant 18h, heure à laquelle ma réservation devient caduque.

Je passe le temps qu'il me reste à finir mon forfait de télépone portable, avec Q. et la famille. Finalement, j'embarque vers 11h45. Le choix de Qatar Airways s'est fait selon des critères économiques (un aller à 465,00 € TTC), ainsi que de planning. C'était le seul vol qui me permettait d'arriver sur place avec un jour d'avance, et de prendre ainsi mes marques avant de commencer le travail. Finalement, je ne suis pas déçu. C'est une compagnie sérieuse, au service irréprochable : bonbon avant le décollage, écran vidéo pour chaque siège, avec vidéos à la demande, jeux, positionnement de l'avion, composition de playlists depuis une médiatèque de CDs... L'équipage est le plus cosmopolite que j'ai jamais vu sur une compagnie aérienne. Enfin, je me dis que s'ils avaient pris des gens du Qatar, ils n'auraient plus eu assez de passagers à transporter (la population du Qatar est de 600 000 habitants) !

L'avion est un Airbus A340-600, le plus gros de la famille des Airbus qui soit actuellement en exploitation. En fait, la compagnie exploite presque uniquement des appareils fabriqués par l'avionneur européen. Etant l'un de ses clients les plus fidèles, elle sera également l'une des premières à acquérir des A380 (on appelle ça dans le jargon un client de lancement). Il est précisé que les menus sont préparés selon les rites islamiques. Je n'ai rien contre, naturellement, mais je ne sais pas ce qu'en pensent le bœuf et le poulet que j'ai dans mon assiette. Il est à noter que l'import d'alcool est interdit au Qatar. Cependant, il est possible d'avoir une dérogation en en achetant dans l'avion. Et ça se vend dans le pays également. Pas fous, ces Qataris !

J'arrive à Doha de nuit. Je n'y vois pas grand chose, mais suffisamment pour constater qu'ils ne lésinent pas sur l'éclairage électrique. Tout est illuminé, même le moindre bout de terrain. Je ne me demande pas quel type de centrales électriques sont exploitées dans un pays pareil... Ils tiennent apparemment à montrer qu'ils ont de l'argent, en tout cas. Sinon, ils garent leurs avions très loin du terminal (un quart d'heure de bus à chaque fois !). Je me demande s'il n'existe pas une vieille tradition d'hospitalité stipulant que tout invité doit obligatoirement faire le tour de l'Emirat avant de s'en aller ! Une autre explication, plus plausible, consisterait à avancer que c'est parce que le pétrole, chez eux, n'est pas vraiment un problème. Ils sont sur le réservoir, tiennent d'une main le robinet, de l'autre le tiroir-caisse, et jouent avec les deux selon leur bon plaisir, en tenant à le faire savoir.

Bien que partis en retard, nous sommes arrivés à l'heure. Je suis surpris de constater qu'il n'y a qu'une heure de décalage avec la France. Il est 19h30, heure locale. Mon avion part à minuit trente. J'ai encore de la marge. J'allume mon portable machinalement, sans trop y croire. Et il y a du réseau : QATARNET ! Je reçois un SMS envoyé une heure après mon décollage, et j'en envoie quelques-uns, recevant même des réponses. Je me suis fortement limité, car je n'ose imaginer les tarifs ! Je passe mon temps à somnoler. J'ai faim, soif et froid (ils règlent la climatisation trop bas pour moi). Je manque de m'endormir plusieurs fois. L'aéroport est grand, il y a du monde, et même des salles de prière ! Finalement, je peux embarquer. Il est 23h45, heure locale.

Je suis décidément abonné au retard. Du fait de l'absence de certains passagers, nous décollons avec une heure de retard. Comme j'ai très faim, j'espère qu'ils ne vont pas tarder à nous donner à manger. Eux prennent tout leur temps. Je manque de m'endormir plusieurs fois, mais me secoue à chaque fois que je pique du nez, parce que je sais que je ne peux pas me passer de ce repas, n'ayant rien avalé depuis 10 heures. Finalement, je vais pouvoir engloutir ce qu'ils vont me servir, ce qui récompense quelque peu ma patience. Cette "nuit"-là, je dormirai 3 heures, en tout et pour tout, de 2h à 5h, heure française. Dehors, il fait rapidement jour, car nous avançons vers l'Est.

Le miracle se poursuit, puisque nous arrivons à Shanghai à l'heure, malgré le retard important au départ. Comment font-ils ? Je pense que le vent était avec nous (merci Yoda !)... Autrement, je les accuserais de traîner volontairement en route sur un vol normal. Shanghai n'est qu'une escale pour l'avion, qui débarque une partie de ses passagers, fait le plein, et change d'équipage ! C'est amusant de voir les pilotes et les hôtesses descendre en même temps que nous, alors que l'avion repartira un quart d'heure plus tard !

L'aéroport de Shanghai Putong, construit depuis peu à 30 km de la ville, juste au bord de la mer, est comme dans mes souvenirs de 2002 : immense, moderne, et vide. Manifestement, il est encore trop grand par rapport au nombre de voyageurs. Toutefois, comme les Chinois commencent tout juste à avoir pour certains les moyens de voyager, il ne restera pas trop grand longtemps, on peut s'en douter. Disons donc qu'ils l'ont construit trop grand parce qu'ils sont prévoyants.

J'ai été surpris de ne pas remplir de fiche d'immigration dans l'avion. J'y ai seulement complété une fiche sanitaire ("non, je n'ai pas été en contact avec des volailles avant de venir"), et une déclaration comme quoi je n'avais rien à déclarer à la douane. L'explication est en fait simple : il y en a une, mais on a oublié de me la donner. Peut-être m'avait-on pris pour un chinois ? Heureusement, le douanier est de bonne humeur, j'en remplis une rapidement, passe la frontière, récupère ma valise, réussis à changer mes euros (ce qui va me servir pour prendre le bus), passe la douane, et me retrouve dehors.

Q. m'avait donné des infos sur la façon de me rendre à l'hôtel. Toutefois, la réalité est parfois différente de la théorie. En l'occurence, la ligne 6 de métro n'existe pas ici (ce qui ne me surprend guère : on est à 30 km de Shanghai, rappelons-le. Pour gagner le centre, on peut prendre le Maglev (train à suspension magnétique) jusqu'à Putong (Est de la ville), puis le métro. Sinon, on prend le bus. Ici, c'est la ligne 6 qui m'intéresse (la seule différence avec ce que je savais, c'est que c'est un bus). Pour 20 yuans, il me dépose après 1h30 à 中山公园 (Zhong1shan1 Gong1yuan2, le Parc Zhongshan).

Pour prendre le bus, je me débrouille en chinois. Ce n'est pas très compliqué, mais ça faisait longtemps que je n'avais pas dû parler comme ça, sans prendre le temps de réfléchir, à des gens qui parlent normalement en vitesse et en articulation, vu qu'ils sont chez eux. La première impression conforte ce qui m'avais été dit : les Chinois sont des gens sympas. Pourvu que ça continue comme ça. Par contre, peu d'entre eux parlent anglais. Donc, il faut se débrouiller (avec des dessins, ça peut aller, Val ! Ils sont tolérants). Les plus jeunes, en revanche, ont souvent – mais pas toujours – appris l'anglais et peuvent aider (prix du bus : 20 yuans).

Ce qui me saute aux yeux, c'est qu'il y a 2 Shanghai. L'une se trouve sur la rive Est du 黄浦 (le fleuve Huang2pu3), l'autre sur la rive Ouest. La première est principalement constituée de larges avenues récemment tracées, de maisons regroupées dans des quartiers sécurisés avec grilles et gardiens, et de hautes tours, sièges de grandes entreprises, de Chine et d'ailleurs. L'autre est la vraie Shanghai, avec des habitats variés, des rues encombrées, de multiples échoppes et beaucoup de monde. On y trouve bien sûr aussi des gratte-ciels et des habitats plus aisés que d'autres, mais ça n'a quand même pas grand chose à voir... On parle souvent pour la croissance d'une Chine "à deux vitesses". C'est du moins ce que conforte ma première impression.

Au niveau propreté des rues, il n'y a pas grand chose à redire, même si le quartier de 浦东 (Pu3dong1, à l‘Est) est naturellement le plus propre. C'est beaucoup mieux de ce point de vue-là que des villes comme Marseille et Paris, voire même Lyon et Nantes. Il faut dire que la ville emploie une véritable armée de balayeurs, chose qui ne serait économiquement pas rentable en France du fait du niveau des salaires à verser, qu'une commune ne pourrait pas payer (à Los Angeles, c'est pire : dix jours par an, la ville n'est pas entretenue, car il n'y a plus de quoi payer les employés communaux !).

En revanche, au niveau circulation, c'est le cauchemar. Bien que ça dépende des quartiers et des heures, le nombre de véhicules est impressionnant. Depuis la première fois que je suis venu, la diversité des voitures a beaucoup augmenté. Avant, on trouvait près de 90 % de Volkswagen, du modèle Santana, et quelques Santana 2000 plus récentes (la raison en était simple : Volkswagen était le seul constructeur implanté en Chine, et ce depuis plus de vingt ans. Face aux modèles produits sur place, les véhicules d'importation, taxés de surcroît à 40 % par les douanes avant l'entrée l'année dernière de la Chine dans l'OMC, n'avaient que peu de succès). À présent, même si bien sûr Volkswagen tient toujours le haut du tableau, notamment chez les taxis, avec un nouveau modèle, le Santana 3000 (original, non ?), on trouve pas mal de voitures étrangères, américaines, allemandes et japonaises pour la plupart (Renault, Peugeot et Citroën ne semblent pas déchaîner les passions). Cependant, acheter une voiture n'est pas donné à tous les Chinois, car ça reste encore très cher. Globalement, l'entretien des véhicules est bon. Si on n'est pas toujours au niveau d'exigence requis par le contrôle technique en France, on est tout de même largement au dessus de la moyenne comparé à d'autres pays. Mais plus encore que le nombre de voitures, celui des deux roues frise le délire par endroit.

Traverser la rue à Shanghai est périlleux. Le meilleur conseil est de ne pas suivre l'exemple des Chinois, et de traverser toujours au vert en faisant attention. Les voitures, notamment les taxis, et les deux roues, ne se soucient pas toujours des feux. Il est très fréquent de doubler par la droite, ce qui se fait à grand renfort de klaxon pour avertir. Les changements de file sans clignotant au dernier moment sont également très courants. Enfin, un coup de klaxon signifiant plus ou moins "je passe", faire très attention à ne pas "passer dessous", tout mauvais jeu de mot exclu.

Je suis content de voir que je situe assez bien l'itinéraire du bus dans la ville. Mes souvenirs et l'examen attentif de la carte avant mon arrivée y sont sûrement pour quelque chose. Une fois atteint 中山公园, je prends un taxi, qui après quelques hésitations me dépose devant mon hôtel (prix de la course : 14 yuans), juste avant les 18h fatidiques (il y a 6 heures de décalage avec la France en été, 7 en hiver). À la réception, personne ne parle anglais, mais je me débrouille.

L'hôtel s'appelle 锦江之星 (Jin3jiang1zhi1xing1). Il s'agit d'une chaîne d'hôtels (http://www.jj-inn.com). Pour un prix de 200 yuans par nuit environ, la chambre est confortable, climatisée, avec Internet, une vrai salle de bain et la télévision. Seul reproche en ce qui me concerne, le chantier à côté qui commence le travail tôt. Grâce à Internet, je peux prendre contact avec pas mal de monde et rassurer ceux qui avaient besoin de l'être.

On mange tôt en Chine : vers 18h. Cela se comprend. Alors qu'en France nous avons en été deux heures d'avance sur le soleil, eux sont en phase avec lui. Il fait donc nuit vers 18h30. Bien qu'assez angoissé, je trouve un petit restaurant pour manger un peu (j'ai les crocs !). Comme je ne sais pas vraiment quoi commander, je cherche quelque-chose sur la carte où apparaît le caractère 鱼 (yu2 - poisson). Je le trouve associé avec le caractère 肉 (rou4 - viande). Je me dis qu'un tel mélange ne doit pas manquer d'originalité, et comme je suis prêt à tout, je le commande, avec du riz. En fait, il n'y a pas une once de poisson dans ce plat, qui s'appelle 鱼香肉丝 (yu2xiang1rou4si1), et qui peut se traduire par "porc à la sauce piquante". C'est assez fort. Heureusement qu'il y a du thé à boire !

Le repas fini, je rentre me coucher (pour dormir à 21h !), éreinté par une journée qui pour moi a duré 27 heures, coupées par quelques 3 petites heures de mauvaise sieste. L'usage intensif des klaxons sur 中山北路 (Zhong1shan1 bei3 lu4 - rue zhong shan nord) ne facilite pas trop mon endormissement.

Commentaires rétrospectifs (17/02/2014)
  • Je suis parti en Chine avec un billet d'avion aller-simple pour effectuer mon stage chez Air Liquide China, sans savoir si ma demande de poursuivre avec deux ans d'étude à l'université de Shanghai Jiao Tong serait acceptée !
  • Au sujet de la taille de l'aéroport de Shanghai Pudong : s'il me semblait disproportionné à l'époque, ce n'est plus le cas aujourd'hui, ce qui donne une idée de l’essor du trafic aérien (d'autant qu'un deuxième terminal a ouvert en 2008 et qu'un troisième est prévu pour 2015). Quant à l'excuse des 30 km de distance pour qu'il n'y ait pas de métro, elle n'est plus non plus d'actualité. Ces deux dernières années, j'ai pu prendre la ligne 2 du métro de Shanghai pour me rendre à la gare de 虹桥 Hong2qiao2, situé au sud-ouest de la ville (quand Pudong est à l'est !). Cette extension a été mise en service en 2010 à l'occasion de l'exposition universelle.
  • 鱼香肉丝 (yu2xiang1rou4si1) se traduit plutôt mot-à-mot "Fines lanières de viande goût poisson". Le "goût poisson" vient en l'occurrence de la sauce épicée qui apprête la viande (du porc le plus souvent). J'aime assez ce plat, qui constitue une valeur sûre lorsque je ne sais pas quoi choisir (et je raconte l'anecdote de la première fois à ceux qui mangent en ma compagnie !).
Ajout (01/01/2015)

Petit bonus amusant, j'ai récemment reçu une capture d'écran des deux derniers SMS que j'ai envoyé de Roissy avant mon départ en Chine, conservés bien précieusement par l'un des destinataires depuis plus de sept ans !

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