Repas
Quelques plats pour commencer... Rassurez-vous, le plus gros est à venir !

La nuit a été un peu difficile. L commence à avoir de la fièvre, et bien sûr nous n'avons rien à lui donner, car nous avons oublié le paracétamol à Nantes. Q en achète au lever à la pharmacie, mais ils n'en ont que sous forme de poudre à diluer, d'une infâme amertume.

Aujourd'hui, nous mangeons chez la sœur aînée de la maman de Q. Lors du Nouvel An, la coutume consiste en effet à inviter les proches à tour de rôle. Si du côté de la mère à Q les six familles fonctionnent par roulement, à raison de deux familles qui invitent chaque année, chez les parents de P (la femme du cousin de Q), tout le monde invite tout le monde, ce qui leur vaut deux semaines de bombance quasi-assurée !

À partir de cette année, le nombre d'enfants oblige – ou la volonté de mieux m'intégrer, je ne sais pas – fait que je mange à la table "des hommes" (presque exclusivement), où l'alcool coule à flot et les cigarettes s'échangent sans cesse. Bien que ne fumant pas ni ne buvant une goutte d'alcool, je dois me familiariser plus profondément avec la coutume des toasts, selon des ordres et des groupements honorant l’hôte et les âges relatifs dans une hiérarchie toute confucéenne.

On ne mange malheureusement pas beaucoup à cette table où je trinque au jus de coco, car le temps passé à porter ou accepter les toasts, les comparaisons des niveaux d'alcool respectifs et les grands airs pris pour refuser des cigarettes qui seront de toute façon acceptées et échangées avec d'autres, ne laissent pas beaucoup de place à la dégustation. À la table voisine, en revanche, les plats se vident à vue d’œil. Le rythme s'accélère une fois les bouteilles d'alcool de riz vidées (3 bouteilles de 500mL à 50° minimum pour une petite dizaine de convives tout de même), mais je ne tarde guère à quitter la table pour m'occuper de L, dont l'état a empiré, et que le tabagisme ambiant n'aidera sans doute pas à se remettre (maintenant qu'il n'y a plus rien à boire, il faut bien fumer toutes ces cigarettes offertes, histoire de changer un peu !).

La fièvre du petit bonhomme atteint des sommets, et il refuse catégoriquement tout ce qu'on lui propose comme médicament ou comme distraction. Dans ces conditions, nous décidons d'abréger notre visite. Problème : nous sommes sans voiture (on nous a amenés) et à trois quarts d'heure de route de la maison. C'est P qui nous amènera finalement avec sa belle-mère et sa fille jusqu'à l'hôpital.

Le système de santé chinois est sensiblement différent du nôtre. En particulier, le système des médecins généralistes n'existe pas : on se rend à l'hôpital pour un gros rhume comme pour une opération, et le service des consultations est dimensionné en conséquence. Pour y avoir déjà goûté en 2012 pour une angine carabinée à trois jours de notre cérémonie de mariage, je commence à bien connaître ce fonctionnement. Le plus gros avantage est l'efficacité : tout est réalisé sur place, que ce soient radios, prises de sang, achats de médicaments... Il suffit de payer (quand même !) et de revenir voir le médecin une fois les résultats obtenus, généralement en moins de 10 minutes. Le plus gros inconvénient, c'est l'intimité : les patients attendent leur tour jusque dans les salles d'examen, et il n'est pas rare d'avoir 4 ou 5 personnes en attente dans la pièce de quatre mètres par quatre où l'on se fait ausculter devant tout le monde ! Problème supplémentaire : ceux qui ne respectent pas l'ordre d'arrivée et s'imposent au moindre relâchement d'attention (on retrouve d'ailleurs bien là la notion chinoise de queue, où le moins scrupuleux l'emporte toujours).

Comme il fallait s'y attendre, la section pédiatrique est bondée d'enfants fiévreux et de parents inquiets. L nous fait le cirque, répétant inlassablement qu'il veut être porté, qu'il ne veut pas voir le médecin, et encore moins avaler de médicament ! La plupart des enfants fiévreux portent sur le front un petit cataplasme rafraîchissant, que L a pour sa part catégoriquement refusé. Pourtant, avec une fièvre à 39,7°C, il aurait mieux fait d'accepter...

Au final, c'est apparemment une angine, d'origine virale. À mon grand soulagement, L évite ainsi le fameux 挂水 gua4shui3, ou perfusion d'antibiotiques, prescrit ici à tour de bras pour un tout ou pour un rien. Le recours aux antibiotiques est d'ailleurs si "automatique" en Chine que la pharmacie où Q avait acheté le doliprane voulait lui en vendre sans même savoir ce qu'avait le petit bonhomme ! Je me demande bien ce qu'on fera le jour où ce recours irresponsable au tout antibiotique nous laissera face à une marée de bactéries multirésistantes contre lesquelles on ne saura se protéger...

Nous nous rendons ensuite chez P, où L dormira enfin un peu, avec l'aide du doliprane sucré fourni par l'hôpital. Au réveil, un peu plus en forme, il engloutira sans difficulté les raviolis du repas du soir...