http://www.lianalevi.fr/images/30/v_book_8.jpgJ'ai récemment emprunté à la bibliothèque un petit livre intitulé La Chine des Chinois. Issu d'une collection intitulée L'autre guide, il se dépeint comme une alternative aux guides de voyage traditionnels, et – je cite – "ne vous fera découvrir ni les villes, ni les monuments, ni les œuvres d'art... juste les hommes et les femmes, ces grands inconnus de vos voyages". On pourra ergoter sur l'aspect marketing de la chose, car si pour moi ce livre n'a rien d'un guide de voyage (ni de près, ni de loin), il délivre quant à sa promesse de se concentrer sur la population et une analyse à la fois fine et abordable de ce qui fait la société chinoise, des transformations qu'elle a connues et de son état d'esprit actuel.

Petit bemol : ce livre, publié en 2004, s'arrête sur les évènements de 2003. Il ne raconte donc que ce qui s'est déroulé jusqu'à la fin de la période Jiang Zeming. Des 10 ans du "règne" de Hu Jintao et de celui déjà bien affirmé de son successeur Xi Jinping, il ne souffle mot, ce qui dans un pays en forte évolution ne permet sans doute pas de saisir toute la mesure de ce que l'on y voit actuellement (assouplissement de la politique de l'enfant unique, raffermissement du pouvoir sous couvert et au bénéfice de la lutte contre la corruption qui gangrène la société, legs des JO, "ralentissement" économique et nouvelle croissance économique "modérée" (à 7 % annuels !), etc.).

Il constitue néanmoins une lecture intéressante, instructive, et un bon point de départ pour appréhender la Chine. La profusion de petites anecdotes et formulations "chinoises" démontre que l'auteur maitrise son sujet. La lecture est aisée, sans vocabulaire compliqué ni envolées philosophiques.

Parmi les thèmes abordés et analysés, on trouve notamment la diversité du territoire chinois (oppositions est/ouest et sud/nord), le récit de l'urbanisation qui a accompagné la mutation d'une société principalement agricole en un géant industriel, les relations complexes entretenues par les Chinois avec leur passé et le reste du monde et les évolutions de la famille, passée du statut de cellule fondamentale dans l'héritage de Confucius à l’inexistence face aux 单位 dan1wei4 ("unités de travail") lors du collectivisme, pour renaitre avec l'ouverture au monde avant de subir dans la foulée le traumatisme de l'enfant unique.

Je ne suis pour autant pas en accord sur tous les conclusions de l'auteur. Si par exemple il est vu dans le fait que les grand-parents s'occupent de leurs petit-enfants (un seul jusqu'à peu) l'idée que les liens intergénérationnels traditionnels issus du confucianisme ne se sont pas complètement distendus, j'y vois surtout la conjonction de trois facteurs : la frustration née de la politique de l'enfant unique, qui pousse les grand-parents en mal d'enfant à "s'approprier" la progéniture de la génération suivante, les horaires chargés du marché du travail, qui empêchent souvent les parents de consacrer du temps à leurs enfants (ou les en dissuadent), ainsi que le manque de structures de garde (crèche, etc.), en petit nombre, parfois peu professionnelles et souvent hors de prix.

Naturellement, à se concentrer sur les hommes et les femmes, ce "guide" n'est pas suffisant pour la compréhension de la Chine en tant que telle, et ne s'en cache d'ailleurs pas ("Grâce à ce guide, vous pourrez commencer à comprendre"). Une perspective historique, économique, géographique et culturelle est indispensable pour vraiment s'y plonger et pour y rattacher les enseignements qu'il propose. Il constitue de ce fait un excellent ouvrage complémentaire que vous devriez envisager de consulter en plus des autres si d'aventure vous décidiez de vous intéresser à l'Empire du Milieu.

Verdict : lisez-le si vous en avez l'opportunité.