Cet article fait partie de ma mini-série consacrée aux dictionnaires chinois.

Je considère dans cet article que vous "visualisez" un caractère, mais que vous ne savez pas comment il se prononce, ni potentiellement ce qu'il signifie. Cette situation se présente fréquemment lorsque lors des lectures. En effet, si les caractères chinois possèdent souvent des composantes à valeur phonétiques qui permettent de deviner une part de leur prononciation, ce n'est pas toujours le cas.

Par exemple, 马 ma3 (le cheval) induit les prononciations de 妈 ma1 (la mère) ou 骂 ma4 (insulter), mais le ton n'est pas le même. Plus sournoisement, si 兑 dui4 (échanger) se retrouve en partie phonétique dans 税 shui4 (impôt) – d'où le -ui, c'est aussi le cas dans 说 shuo1 (parler) ou dans 悦 yue4 (la joie) ! Les évolutions du parler par rapport à l'écrit ont ainsi divergé. Le dictionnaire est donc un outil indispensable là où l'intuition montre ses limites.

Je vous présente ici cinq techniques différentes, qui peuvent s'appliquer en fonction de votre situation.

I. Recherche dans un dictionnaire papier

Cette approche (tout comme l'approche IV) est adaptée quelque-soit la situation dans laquelle vous rencontrez le caractère que vous ne connaissez pas, que ce soit dans un journal ou un magazine, l'enseigne d'un magasin, un livre ou un site web. Dans ce dernier cas, si vous êtes en mesure de copier le caractère en question, les approches II et III seront sans doute plus rapides.

Exemple pas-à-pas

Mettons que vous croisiez la phrase suivante au cours d'une lecture. Supposons que vous connaissez les caractères 他 ta1 (il/lui), 是 shi4 (être) et 师 shi1 (maître, expert), mais que vous ne connaissez pas le troisième caractère :

Exemple imprimé

Comme vous pouvez le constater, il s'agit d'une image. Que faire ? Pour varier un peu, je vais troquer mon dictionnaire tout en chinois pour le 精选汉法法汉词典, un dictionnaire bilingue dont je vais utiliser la partie chinois-français. L'approche à adopter est la suivante :

  1. Observons le caractère. Il est visiblement formé de deux parties. Celle de gauche 彳 a toutes les chances d'être une clé. Ce sera notre point de départ.
  2. 彳 compte 3 traits. Nous allons donc au début du dictionnaire, là où se trouve la table des clés ⓐ, et la cherchons parmi celles qui ont 3 traits ⓑ. Chance, la voilà : c'est la clé numéro 54 ⓒ

    Trouver par graphie 1
    Trouver par graphie 2
  3. Nous passons donc au second index, celui qui associe les clés à leurs caractères. Nous cherchons parmi les caractères situés sous la clé 54 ⓓ. Le caractère comporte en tout 9 traits, dont 3 appartiennent, nous l'avons vu à la clé. Cela fait 6 traits restants. Nous passons donc à la sous-section intitulée 六至七画 ⓔ liu4 zhi4 qi1 hua4 ("de 6 à 7 traits"). Nous y trouvons notre caractère 律 avec sa prononciation lv4 ⓕ.

    Trouver par graphie 3
  4. Maintenant que la prononciation est connue, il ne nous reste plus qu'à appliquer la méthode vue dans l'article précédent pour voir que 律 veut dire "loi, règle", et que la phrase signifie donc "Il est avocat".

Les clés "traits" des dictionnaires

On l'a évoqué, le système de clés est la méthode traditionnelle d'organisation des dictionnaires chinois, la clé étant une partie à valeur principalement sémantique. Toutefois, il existe des caractères sans clé, qu'il convient de pouvoir tout de même retrouver. À ces fins, un certain nombre de clés "traits" artificielles ont été introduites. Le dictionnaire de Kanxi identifie ainsi 6 traits de base correspondant à autant de clés artificielles.

Elles sont présentées par le tableau suivant :

Trait Nom Représentation Exemple de caractères
yi1 un 七, 三, 不, 世
gun3 ligne
zhu3 point 丸, 主
丿 pie3 oblique 久, 之, 乎
乙 (⺄, 乚) yi3 second 九, 也
jue2 crochet 了, 事

II. Utilisation d'un "popup dictionnary"

Cette seconde approche est adaptée lorsque l'on visualise le texte chinois dans un navigateur Internet (et qu'il ne s'agit pas d'une image !). Il est possible dans le cas de navigateurs comme Mozilla Firefox ou Google Chrome d'installer des extensions qui proposent le sens et la prononciation des caractères ou mots au-dessus desquels on passe la souris.

Voici un exemple de ce que cela donne en utilisant Perapera Chinese :

Popup dictionnary

Il existe d'autres extensions de ce genre, dont Mandarin Popup, chaudement recommandée par Matthieu, un lecteur assidu de ce site ;) .

Alternativement, des applications Android ou iOS comme Pleco proposent un mode (limité dans sa version gratuite) permettant l'import d'un texte préalablement copié ou enregistré dans un fichier texte, et l'affichage à la pression sur des caractères de ce fameux genre de bulles.

III. Utilisation d'un dictionnaire en ligne

La troisième méthode consiste à avoir recours à un dictionnaire en ligne. Il en existe de nombreux comme celui de Chine-Nouvelle, de Reverso ou encore CFDICT. Il suffit de coller le caractère recherché dans le champ de recherche et de valider pour accéder aux définitions, à la prononciation, ainsi qu'à des mots ou des expressions faisant intervenir ce caractère.

IV. Utilisation de la reconnaissance d'écriture

L'idée derrière cette quatrième méthode est d'utiliser une technologie de reconnaissance d'écriture pour retrouver le caractère d'après sa graphie, avant d'utiliser un dictionnaire électronique plus classique.

Cette technique est une bonne alternative à la première, car plus rapide et adaptée à toute situation dans laquelle le caractère est rencontré (même lorsqu'on ne peut faire de copier/coller), mais elle peut également se substituer aux deux autres car écrire un caractère est bien souvent la première étape vers son assimilation, alors qu'un copier/coller ne permet généralement pas de véritable enclenchement du processus de mémorisation (on a coutume de dire que le chinois s'apprend "au poignet").

Voici la méthode en image :

Handwriting 1
1. Taper "search"
2. Écrire le(s) caractère(s) recherché(s)
Handwriting 2
3. La définition telle qu'elle est affichée

Dans cet exemple, j'ai utilisé une petite application dictionnaire toute simple et gratuite pour Android, Xiaoma Hanzi. Pour la reconnaissance d'écriture, j'ai utilisé MyScript Stylus Beta, édité par la société pour laquelle je travaille et qui offre de telles performances que je ne pourrais pas m'en passer ! Cette dernière application remplace le clavier et permet l'écriture au doigt ou au stylet, la dernière alternative étant naturellement chaudement recommandée.

V. La reconnaissance optique de caractères (OCR)

Je mentionne cette dernière technique dans un souci d'exhaustivité. Elle a le mérite (quand elle marche) d'être l'une des plus simples à mettre en œuvre, pour peu que l'on dispose d'un smartphone et d"une application OCR. Du côté de l'apprenant, elle a l'inconvénient de ne pas vraiment entraîner à l'écriture, ni amener à se poser de question sur la composition des caractères.

OCR

J'utilise ici un module (payant) de Pleco. Cette méthode réclame de bonnes conditions d'éclairage, un bon contraste dans l'image cible et de ne pas bouger pendant l'acquisition. De manière générale, les performances sont correctes pour du texte typographié, même lorsque l'on vise, comme ici un écran LCD. Cette technologie n'est pas adaptée à l'écriture cursive.

Le côté sympa en fait un gadget à montrer aux amis, mais je doute fort de continuer à l'utiliser sur une base quotidienne. Je lui préfère la technique IV, plus précise, et qui a davantage de vertus pédagogiques.

Et si je ne connais pas toute la graphie de ce caractère ?

Toutes les méthodes présentées ci-dessus nécessitent la connaissance préalable de la graphie du caractère. Que faire lorsque la clé est inconnue et que vous souhaitez néanmoins connaitre le sens de ce caractère que vous avez repéré sur une publicité dans le métro en rentrant chez vous ? Vous avez beau essayer de vous souvenir, tout ce qui vous revient, c'est qu'il comporte la partie 里... Nous verrons ce que vous pouvez faire dans le prochain article.