Après une nuit un peu difficile, nous remettons de l'ordre dans nos valises pour les rendre compatibles avec les normes aéroportuaires. Du point de vue de 东航 dong1hang2 (China Eastern), la compagnie aérienne que nous allons emprunter, ce vol vers Hong-Kong est un vol "intérieur" et nous n'avons droit qu'à 20 kg par adulte et 10 kg pour L, en deçà des 25 kg par adultes autorisés pour le vol de retour vers l'Europe.

Comme nous disposons encore de notre matinée complète, et que j'ai au fil des ans acquis une habitude saugrenue de photographier à chaque passage le "Shanghai Skyline" (comprenez par là les tours de Pudong visible depuis le Bund) pour en apprécier la transformation, j'embarque toute la famille, direction 外滩 Wai4tan1 (le Bund).

Malheureusement, la distance à couvrir en métro est énorme, bien plus que mes souvenirs ne l'avaient conservée, et L est dur à maintenir au calme. Parvenu à destination, il s'endort, et ne verra rien de hautes tours symboles de Shanghai. Sauf que... nous non plus ! J'avais oublié, mais dans le mot Pudong se trouve le caractère 东 dong1, qui signifie "Est" ! De fait, nous avons à cette heure-là le soleil de face, qui non content de rendre les photos difficiles, diffuse de surcroit à travers l'épais brouillard de pollution qui recouvre la ville (le fameux 雾霾 wu4mai2). Les tours ne sont que des silhouettes émergeant de cette brume telles des fantômes.

Shanghai skyline
"Shanghai skyline"... Curieux que les photos rendent si bien !
Perle de l'Orient
La Perle de l'Orient, fidèle à elle-même.
Shanghai Tower
La "Shanghai Tower" n'est pas encore achevée. À terme, elle mesurera 632 mètres, ce qui en fera la plus haute tour de Chine et la deuxième du monde.

Comme nous n'avons toujours pas petit-déjeuné, nous dénichons un boui-boui où nous avalons à la hâte vermicelles et riz sauté.

Il est déjà tard, et Q m'en veut un peu de cette escapade infructueuse. Le long retour en métro se passe dans un stress permanent, l’œil rivé sur la montre à voir les minutes s'écouler inexorablement. Je pique un sprint et récupère les bagages avant l'heure fatidique de midi. Nous remercions le personnel pour le lit bébé ; nous n'osons même pas imaginer ce qu'aurait été la nuit si L avait dû dormir avec nous dans le même lit.

L'aéroport de Shanghai Hongqiao (code OACI : SHA) est l'aéroport historique de Shanghai, et même si un gigantesque terminal 2 a été récemment construit, il a été largement supplanté par le nouvel aéroport de Shanghai Pudong (code OACI : PVG) et propose surtout des vols internes à la Chine, sauf quelques liaisons internationales encore préservées. Nous avons choisi cet aéroport par commodité : le train y arrive directement, et il n'est pas nécessaire de se farcir 2h de métro supplémentaires pour aller à Pudong.

Nous partons du vénérable terminal 1, à taille humaine, témoin d'un temps somme toutes assez récent où les Chinois prenant l'avions chaque année se comptaient "seulement" en millions.

Le vol, sensé durer moins de deux heures en fera au final près de trois. Bloqué dans un embouteillage au sol, l'appareil ne prendra son vol qu'avec un grand retard, et l'approche de l'aéroport de Hong-Kong se révèlera interminable. L'avion traversera pas moins de cinq couches de nuages successives, la dernière si près du sol que celui-ci ne sera finalement visible que dans les dernières trente secondes avant l'atterrissage. Il fait 26°C à Hong-Kong, et il pleut... beaucoup ! Du fait de notre retard, nous arrivons presque en même temps que SH, une amie de Qiujue venue pour l'occasion de Singapour.

Film
À l'aéroport de Hong-Kong, nous tombons en plein tournage d'un film. Apparemment, une femme vient chercher le gars en chemise... C'est du moins ce que les caméras placées un peu plus loin veulent "immortaliser"...

Nous empruntons la ligne expresse menant à l'île de Hong-Kong (sur laquelle nous allons loger), et peu à peu, nous réalisons en regardant par la fenêtre ce qu'est Hong-Kong : une rencontre chaotique entre collines abruptes et mer omniprésente. Les panneaux en chinois traditionnels sont complexes à déchiffrer pour moi qui ne suis habitué qu'aux caractères simplifiés. Le doublage en anglais est bien pratique, et la transcription de la prononciation cantonaise parfois bien amusant !

À l'hôtel, nous retrouvons une amie de Q qui habite à Hong-Kong, complétant la réunion du fameux trio datant du lycée à Danyang (toutes trois ne s'étaient plus trouvées  au même endroit depuis 10 ans !). L'hôtel est un 4 étoiles, qui a pour nom... l'Hôtel (pratique, non ?). Il semblerait qu'il n'y ait ici guère d'intermédiaire entre les établissement grand luxe pour touristes ou hommes d'affaire et les vendeurs de lit. Le réceptionniste parle en mandarin avec un accent si fort que j'ai bien du mal à saisir ce qu'il dit. On croirait entendre une mauvaise caricature de Jacky Chan !

Comme il est déjà tard, Q et ses amies partent manger tandis que je prépare L pour la nuit et le couche. En attendant qu'elles me ramènent un truc à becqueter, je calme mon estomac avec le gâteau au durian ramené par SH de Singapour (apparemment, elle et sa famille en sont fans : ils se sont même inscrits à une "AMAP" durian pour en avoir du frais chaque semaine) !

Par la fenêtre de la chambre, au 26e étage, j'ai une vue imprenable sur le quartier environnant. Cette forêt de tours rappelle Shanghai, si ce n'est la densité encore plus élevée, les rues bien plus étroites et la masse sombre des "montagnes" couvertes de végétation dont le sommet se perd dans le plafond nuageux, extrêmement bas.

Pendant que je fais ces constatations, des trombes d'eau s'abattent soudainement sur la ville, dans l'un des plus beaux orages que j'ai pu rencontrer. Les éclairs se succèdent toutes les trois secondes et le tonnerre roule sans cesse. À ma plus grande surprise, L dort comme un loir. Je pense à Q et ses amies qui sont sorties sans parapluie.

Toutes trois rentrent vers 22h, trempées. Cela aurait toutefois pu être pire, car pris de pitié, un Hong-kongais qui montait dans sa voiture leur a offert son parapluie.

Après que j'ai englouti le plat que les filles m'ont ramené, nous partons vite rejoindre L au pays des songes...