Nous avions planifié de passer deux jours à 南京 Nan2jing1 (Nankin) pour visiter et voir des amis, avec l'intention de passer la nuit sur place. Cependant, au cours de notre recherche d'un hôtel, nous avons réalisé qu'il était bien plus rentable économiquement de faire l'aller-retour Danyang-Nankin dans la journée. À cela s'ajoutait le fait que les hôtels chinois ne possèdent bien souvent pas de lit bébé (les enfants dormant dans le lit de leurs parents pendant des années), ce qui nous inquiétait car L n'y est pas habitué (nous non-plus), et qu'il bouge beaucoup la nuit avec toutes les chances de tomber si on lui donne son propre lit. Nous avons donc décidé que nous reviendrions dormir à Danyang, ce qui signifie que nous pouvons laisser L à ses grand-parents le premier jour et ne l'amener que le second.

La météo annonce de la pluie, et c'est avec un peu d'appréhension que je mets un parapluie dans mon sac.

Notre train met 30 minutes pour relier Danyang à Nankin. C'est le type de TGV chinois le plus rapide. On l'identifie facilement parce que son code commence toujours par "G" (pour 高铁 gao1tie3 "ligne à grande vitesse). C'est un progrès indéniable, car lorsque Q faisait ses études à Nankin, il lui fallait plusieurs heures de train pour rentrer le week-end (même le car était plus rapide !).

TGV
Le TGV chinois

Une fois arrivés, nous prenons le métro. Direction l'agence locale de China Eastern pour ajouter L sur les billets d'avion que nous avons (laborieusement) commandés en ligne pour le vol Shanghai-Hong-Kong du 8 mai. Ce n'est que face au guichetier que nous réalisons que le passeport du petit bonhomme est nécessaire et que nous l'avons bien sûr laissé à Danyang ! Tant pis, nous en serons quittes pour repasser demain...

Sur ses entrefaites arrivent un ami et sa femme, fraîchement rentrés de voyage de noce à Bali (ça se voit) et que nous revoyons en général chaque année. Leur hôtel est à moins de cent mètres, et ils ont donc décidé de nous rejoindre directement ici. Bien qu'habitant Pékin, ils sont venus passer quelques jours à visiter Suzhou et Nankin, et nous rencontrer, Q, L et moi.

Nous prenons ensemble un taxi pour nous rendre dans un paradis pour rat de bibliothèque : une sorte de foire aux livres permanente où nombre de petits libraires vendent à des prix très compétitifs (en règle général 20% moins cher que dans les autres librairies). Nous achetons quelques livres pour L, principalement pour l'aider dans les années qui viennent à assimiler les bases du mandarin tout en s'amusant, et j'en profite pour adjoindre 6 nouveaux titres à ma collection déjà bien fournie de Tintins en chinois. Tintinophile notoire, j'éprouve le plus grand plaisir à lire et relire ces aventures dans la langue de Confucius et à me familiariser avec les insultes proférées en mandarin par le capitaine Haddock !

Nos emplettes terminées, un second taxi nous dépose dans 湖南路 Hu2nan2 lu4, la grande artère commerçante de Nankin. Après quelques hésitations quant au type de restaurant dans lequel nous souhaitons déjeuner, nous optons pour 南京大牌档 Nan2jing1 da4pai2 dang4. Nous y avions déjà mangé l'année dernière avec des amis français de passage. C'est une chaîne de restaurants (il y en a plusieurs maintenant dans la ville) de cuisine locale, dont les employés sont habillés à la mode du début du 20e siècle, et qui propose souvent des animations dans la salle principale comme des chants, de la musique et de la danse. Alors que nous avions déjeuné dans la grande pièce l'année dernière, dans un brouhaha et une cohue tels que nous n'entendions rien des chanteurs et musiciens, nous optons cette fois pour un petit salon privé de quatre places, bien plus calme.

Le repas est très bon, même si – renommée du restaurant oblige – il est un peu cher. Q fait des pieds et des mains pour que nous réglions la note. Yes ! 1-0 pour nous à la mi-temps ! Le fait que ni les uns ni les autres ne soyons du coin a eu raison de la combattivité de nos amis. À eux le repas du soir, mais nous sommes au moins sûrs d'avoir payé quelque-chose.

L'estomac rempli, nous sortons du restaurant pour réaliser qu'il tombe quelques gouttes. C'est dommage, mais ça ne nous décourage pas outre mesure. Nouveau taxi, direction 鸡鸣寺 Ji1ming2 si4 ("temple du cri du coq"), un temple bouddhiste situé sur une petite colline au bord du lac 玄武 Xuan2wu3 (grand lac au centre de Nankin portant le nom de la Tortue Noire – le dieu du ciel du nord dans le taoïsme, et autour duquel la ville s'est bâtie).

Entrée du temple
Une entrée du temple (non destinée aux visiteurs).
Pagode
Une vue de la pagode.

Cette fois, contrairement à notre visite à Wuxi, nous baignons dans l'authenticité. Cela n'empêche pas le temple d'avoir deux boutiques, mais il faut bien que les moines vivent et entretiennent leur monastère. Les murs sont de cet ocre admirable que l'on ne voit nulle part ailleurs que dans ces temples, sauf peut-être à Roussillon parmi nombre d'autres teintes ! On retrouve le plan caractéristique, avec son hall aux quatre Rois Célestes, le pavillons aux dix-huit Arhats, celui abritant le Bouddha (sous la pagode) et un quatrième hall dans lequel s'alignent les 32 réincarnations successives de la bodhisattva Guanyin.

Rois Célestes 1
Un... Deux...
Rois Célestes 2
Trois... Quatre Rois Célestes ! Le compte est bon !

À mesure que nous gravissons les différents degrés de ce temple étagé sur la colline, notre horizon s'élargit. Il est étonnant de voir les toits de ce monastère fondé au 5e siècle et développé autour de l'an 1300 avec les tours du Nankin du 21e siècle en arrière plan ! Passé et présent cohabitent, tant bien que mal. Il est dommage que le temps nuageux limite le regard et que la pagode soit fermée pour travaux : de là-haut, par temps clair, le panorama doit être splendide.

Ancien et moderne
Quand l'ancien rencontre le moderne...

Le ticket d'entrée du temple venait avec quelques bâtonnets d'encens que j'allume soigneusement avant de les disposer dans l'encensoir prévu à cet effet en formulant un vœu.

Encens
Je dépose quelques bâtonnets d'encens.
Jet de pièces
Ces visiteurs, moins recueillis, jouent à envoyer des pièces dans la petite "corbeille" en haut de l'encensoir...

Notre tour terminé, nous quittons le temple pour gagner les remparts voisins. Y accéder est payant : 12 yuans, ou 15 yuans si nous choisissons le "billet carte postale", que nous pouvons envoyer après (il est pré-timbré et offre une vue des remparts).

Comme de nombreuses villes, Nankin était autrefois entourée de hautes murailles, permettant aussi bien un contrôle des entrées/sorties que la protection des habitants contre les brigands de tout poil qui ont sévi lors des différentes périodes de trouble de l'histoire chinoise. De ces murailles, il en reste une bonne partie, plutôt bien entretenue, et de nombreux kilomètres sont parcourables à pied.

Temple et murailles
Les murailles, avec le temple en arrière-plan.
Vue depuis le mur
Vue du temple et de la ville depuis le mur.

Au cours de notre promenade sur le mur, nous découvrons nombre de VTTs flambant neufs entassés dans une petite guérite vitrée. Je suppose que Nankin accueillant cet été 2014 les 2e Jeux Olympiques de la Jeunesse, il sera alors possible de les utiliser sur ce mur, large d'une dizaine de mètres et bien haut d'une trentaine.

Mascottes des JO
Les mascottes des Jeux Olympiques de la jeunesse représentent des pierres décorées, typiques de la région.

Fatigués de notre ballade, nous redescendons et marchons une vingtaine de minutes jusqu'à un arrêt de métro (les taxis disponibles se faisant rares dans les parages). Il est 16h30, et nous pensons manger vers 17h car Q et moi avons un train à prendre vers 19h. Nous patientons autour d'une boisson dans un Häagen-Dazs près de 新街口 Xin1jie1kou3, le "centre" de Nankin (grands magasins et croisement des différentes lignes de métro existantes à ce jour).

Nous prenons le dîner (à 17h !) dans un restaurant servant du canard laqué, spécialité de... Pékin ! Ce restaurant est réputé pour ce plat, et c'est au moins la 4e fois que j'y mange ! À dire vrai, se faire un canard laqué chaque année est devenu en quelque sorte une tradition pour nous. C'est gras, mais bien préparé c'est si bon ! Nous faisons donc largement honneur au canard et à la kyrielle de plats que nous avons commandé en sus, même si je me demande d'où cet appétit peut bien nous venir.

Canard laqué
Le canard laqué, avec son accompagnement.
Soupe de canard
Et la soupe, faite avec le reste du canard.

Le repas achevé, nous prenons congé de nos amis (nous les retrouverons demain et leur présenterons L) et reprenons le métro jusqu'à la gare. Là, nous croisons des contrôleurs qui s'assurent que notre billet correspond bien à notre pièce d'identité alors que nous gagnons la salle d'attente (en Chine, pour éviter les abus et les reventes sauvages, les billets sont liés à la pièce d'identité et chacun ne peut en acheter qu'un pour un voyage donné). C'est en tout cas la première fois, en ce qui nous concerne, que nous sommes ainsi contrôlés. Heureusement que je n'ai pas oublié mon passeport !

Nous arrivons chez les parents de Q vers 20h30. Ils affirment que L n'a pas posé de problème particulier aujourd'hui, mais nous comprenons entre les lignes qu'il n'a sans doute pas été aussi sage qu'ils le prétendent. Enfin, chacun son tour : demain, ce sera à nous de souffrir !