Présentation

Cette œuvre a été composée en 1959 par 陈纲 (Chen2 Gang1) et 何占豪 (He2 Zhan4hao2), alors tous deux étudiants au Conservatoire de Musique de Shanghai, dans l'optique d'être interprétée par un orchestre équipé d'instruments occidentaux (violons, violoncelles et flûte traversière notamment).

Récente, elle doit son caractère "traditionnel" et sa notoriété à son sujet d'inspiration, une vieille légende très connue des Chinois, la Ballade de Liang Shanbo et Zhu Yingtai, deux personnages surnommés les amants papillons, et à l'utilisation de techniques, d'airs et de gammes issus de la musique traditionnelle.

Elle est à ce jour l'une des œuvres chinoises les plus connues à l'international et les plus jouées hors des frontières de l'Empire du Milieu.

La légende originale

Cette légende a pour titre chinois 梁山伯与祝英台 (Liang2 Shan1bo2 yu3 Zhu4 Ying1tai2 Liang Shanbo et Zhu Yingtai), d'après les noms de ses deux personnages principaux

Sous la dynastie des Jin Orientaux, 祝英台 est une jeune fille qui se travestit en garçon pour pouvoir entrer à l'école. Elle devient ainsi très proche d'un de ses condisciples, 梁山伯, qui ne se doute de rien, même si avec les années il devient de plus en plus évident que 祝英台 est une femme.

Alors que la jeune fille est contrainte de rentrer chez elle, elle arrache la promesse à son compagnon qu'il passera la voir. C'est ce qu'il fera effectivement un peu plus tard, découvrant avec effarement la vérité et réalisant par là-même le temps perdu pour leur relation. Ils se vouent alors un amour qui durera jusqu'à leur mort.

Malheureusement, au moment d'officialiser leurs fiançailles, ils découvrent que la famille de 祝英台 a déjà arrangé le mariage de celle-ci avec un autre homme. Très affecté, 梁山伯 dépérit et ne tarde pas à s'éteindre, miné par le chagrin.

Alors que le bateau qui amène 祝英台 vers le lieu de son mariage arrangé passe par hasard près de l'île où se trouve la sépulture de 梁山伯, la jeune fille saute à terre. La légende raconte que la tombe, frappée par la foudre, s'ouvre à ses suppliques et qu'elle s'y jette sans hésitation. Deux papillons en émergent alors, et s'envolent ensemble dans les cieux.

De part son influence, cette légende a fait l'objet d'une demande d'inscription au patrimoine oral et immatériel de l'UNESCO.

Le concerto

Les Amants papillons est une pièce dont il n'est pas difficile de trouver des enregistrements sur Internet, mais ils sont souvent de qualité inégale. Pour cet article, j'ai sélectionné une interprétation que je trouve particulièrement réussie. Le solo de violon y est interprété par 呂思清 (Lv3 Si1qing1), l'un des meilleurs violonistes chinois, accompagné de l'Orchestre Central de Pékin (北京中央乐团 Bei3jing1 Zhong1yang1 Yue4tuan2), dirigé par 谭利華 (Tan2 Li4hua2).

Le concerto se présente en trois parties, réunies ici sur une seule liste de lecture :

Analyse succincte

L'analyse que je présente ici est personnelle. Je ne suis pas un expert en la matière, loin de là, et un musicologue pourrait sans doute aisément pointer mes erreurs. Ce qui suit est un résumé de mon interprétation, telle que je la ressens à l'écoute de cette œuvre.

Si le concerto est nommé d'après les deux personnages, c'est sans doute pour mieux se raccrocher à la légende sur laquelle il se base, car en pratique, l’œuvre est plutôt centrée sur 祝英台, représentée par le violon tout au long de l’œuvre.

La première partie (première vidéo) commence dans la douceur, avec la flûte, la harpe et le hautbois, rejoints par le violon. Cette mélodie évoque pour moi la délicatesse de 祝英台. L'impression initiale est celle d'une fleur qui éclot, et je suppose donc que ce moment correspond à l'enfance de la jeune fille. À partir de 05:22, le violon et l'orchestre se répondent, avec un rôle particulier échéant au violoncelle, qui représente sans doute 梁山伯. Le début de ce dialogue évoque les émois amoureux du cœur de la jeune fille, avec un ton joyeux et sautillant. On l'imagine guettant les regards de son compagnon, même si celui-ci ignore alors qu'elle est une femme. Il s'achève dans la douceur avec la fin de la première vidéo, sans doute sur le serment d'amour éternel entre les deux amants.

Avec la seconde partie (deuxième vidéo), les ennuis commencent d'entrée. Le violon tente vainement de négocier le mariage arrangé, face à l'autorité paternelle soulignée par la fermeté des trombones et des cors. Aux protestations de la jeune fille répondent les accords brefs et violents de l'orchestre, déterminés, excluant toute inflexion du programme établi. À 01:36, la partie solo donne l'idée de la jeune fille tapant du pied de rage de ne pouvoir faire entendre sa voix. Le violon et le violoncelle continuent de dialoguer, avant le dénouement abrupt à 03:57 souligné par les percussions : il n'y a d'autre choix que la séparation. L'atmosphère change alors du tout au tout, à nouveau calme, empreinte de désespoir et de résignation, s'achevant à 06:27 par la mort de 梁山伯 (le violoncelle n'apparaîtra plus individuellement à partir de ce point). La violence soudaine du violon exprime le désespoir qui s'empare de 祝英台, culminant à 09:50 par une tenue aiguë du violon et un unique coup de gong. La jeune fille, minée par la tristesse, vient de mettre fin à ses jours.

Vient la troisième partie (troisième vidéo), qui débute avec l'orchestre seul. La mélodie du début de l’œuvre, celle de l'enfance, est alors reprise. La harpe, clairement discernable, évoque un miracle, celui de l'ouverture de la tombe, comme une renaissance qui viendrait en écho à celle du début. Le violon s'est tu avec la mort de 祝英台, mais le renvoi au thème initial donne un indice sur ce qui est en train de s'accomplir. À 02:00, le violon reprend délicatement. On reconnaît la jeune fille, et on imagine les papillons s'élevant, dans toute leur fragilité. Finalement, 03:30 marque la conclusion de l’œuvre, avec l'orchestre et le solo reprenant ensemble le thème amoureux, jusqu'à ce qu'à 04:58 le son ne s’atténue en pianissimo et le concerto ne s'achève dans un souffle, les papillons étant maintenant trop hauts pour être vus.

Vocabulaire

協奏曲 xie2zou4qu3
un concerto

传说 chuan2shuo1
une légende

蝴蝶 hu2die2
un papillon

结婚 jie2hun1
se marier

自杀 zi4sha1
un suicide

坟墓 fen2mu4
une tombe

小提琴 xiao3ti2qin2
un violon

大提琴 da4ti2qin2
un violoncelle

笛子 di2zi
une flute

双簧管 shuang1huang2guan3
un hautbois

长号 chang2hao4
un trombone

hao4
un cor

竖琴 shu4qin2
une harpe

luo2
un gong

指挥 zhi3hui1
un chef d'orchestre

乐团 yue4tuan2
un orchestre

作曲家 zuo4qu3jia1
un compositeur

音乐家 yin1yue4jia1
un musicien

Remarque

Comme c'est le cas en anglais, il existe plusieurs façons de traduire en chinois le fait de jouer d'un instrument de musique, en fonction de l'action effectuée :

  • la1 (tirer) est utilisé pour les instruments à archet (ex : 拉小提琴 jouer du violon)
  • chui1 (souffler) est utilisé pour les instruments à vents (ex : 吹长号 jouer du trombone)
  • tan2 (pincer/frapper une corde) est utilisé pour les instruments à cordes frappées ou pincées (ex : 弹竖琴 jouer de la harpe)
  • da3 (frapper) est utilisé pour les percussions (ex : 打锣 sonner le gong)

Références